Commentaire composé de Victor Hugo, Lucrèce Borgia, Acte III Scène 2

Commentaire composé de Victor Hugo, Lucrèce Borgia, Acte III Scène 2

Texte

Gennaro, soldat de fortune, ne sait de qui il est né ; il rencontre à Venise la célèbre Borgia qui paraît vouloir le séduire ; mais les compagnons de Gennaro la reconnaissent et l’insultent. Il se retrouve, par la suite en compagnie de ses camarades à une fête donnée par une jeune patricienne. Survient Lucrèce qui leur annonce qu’ils sont tous empoisonnés. 

 

Acte III Scène 2

 

Les mêmes, Doña Lucrezia.

 

 

 

Doña Lucrezia, paraissant tout à coup, vêtue de noir, au seuil de la porte. Vous êtes chez moi !

 

Tous, excepté Gennaro qui observe tout dans un coin du théâtre où Dona Lucrezia ne le voit pas.

 

Doña Lucrezia. Il y a quelques jours, tous, les mêmes qui êtes ici, vous disiez ce nom avec triomphe. Vous le dites aujourd’hui avec épouvante. Oui, vous pouvez me regarder avec vos yeux fixes de terreur. C’est bien moi, messieurs. Je viens vous annoncer une nouvelle, c’est que vous êtes tous empoisonnés, messeigneurs, et qu’il n’y en a pas un de vous qui ait encore une heure à vivre. Ne bougez pas. La salle d’à côté est pleine de piques. A mon tour maintenant, à moi de parler haut et de vous écraser la tête du talon ! Jeppo Liveretto, va rejoindre ton oncle Vitelli que j’ai fait poignarder dans les caves du Vatican ! Ascanio Petrucci, va retrouver ton cousin Pandolfo, que j’ai assassiné pour lui voler sa ville ! Oloferno Vitellozzo, ton oncle t’attend, tu sais bien, Iago D’Appiani, que j’ai empoisonné dans une fête ! Maffio Orsini, va parler de moi dans l’autre monde à ton frère de Gravina, que j’ai fait étrangler dans son sommeil ! Apostolo Gazella, j’ai fait décapiter ton père Francisco Gazella, j’ai fait égorger ton cousin Alphonse D’Aragon, dis-tu ; va les rejoindre ! -sur mon âme ! Vous m’avez donné un bal à Venise, je vous rends un souper à Ferrare. Fête pour fête, messeigneurs !

 

Jeppo. Voilà un rude réveil, Maffio !

 

Maffio. Songeons à Dieu !

 

Doña Lucrezia. Ah ! Mes jeunes amis du carnaval dernier ! Vous ne vous attendiez pas à cela ? Pardieu ! Il me semble que je me venge. Qu’en dites-vous, messieurs ? Qui est-ce qui se connaît en vengeance ici ? Ceci n’est point mal, je crois ! -hein ? Qu’en pensez-vous ? Pour une femme !

 

Aux moines. —mes pères, emmenez ces gentilshommes dans la salle voisine qui est préparée, confessez-les, et profitez du peu d’instants qui leur restent pour sauver ce qui peut être encore sauvé de chacun d’eux. —messieurs, que ceux d’entre vous qui ont des âmes y avisent. Soyez tranquilles. Elles sont en bonnes mains. Ces dignes pères sont des moines réguliers de saint-Sixte, auxquels notre Saint-Père le pape a permis de m’assister dans des occasions comme celle-ci. -et si j’ai eu soin de vos âmes, j’ai eu soin aussi de vos corps. Tenez ?

 

Aux moines qui sont devant la porte du fond. —rangez-vous un peu, mes pères, que ces messieurs voient.

 

Les moines s’écartent et laissent voir cinq cercueils couverts chacun d’un drap noir rangé devant la porte. —le nombre y est. Il y en a bien cinq. —ah ! Jeunes gens ! Vous arrachez les entrailles à une malheureuse femme, et vous croyez qu’elle ne se vengera pas ! Voici le tien, Jeppo. Maffio, voici le tien. Oloferno, Apostolo, Ascanio, voici les vôtres !

 

Gennaro, qu’elle n’a pas vu jusqu’alors, faisant un pas. Il en faut un sixième, madame !

 

Doña Lucrezia. Ciel ! Gennaro !

 

Gennaro. Lui-même.

 

Doña Lucrezia. Que tout le monde sorte d’ici. -qu’on nous laisse seuls. - Gubetta, quoi qu’il arrive, quoi qu’on puisse entendre du dehors de ce qui va se passer ici, que personne n’y entre !

 

Gubetta. Il suffit.

 

Les moines ressortent processionnellement, emmenant avec eux dans leurs files les cinq seigneurs chancelants et éperdus.

 

Lucrèce Borgia, Victor Hugo, 1833

 


Commentaire composé

Comment Lucrèce incarne-t-elle une figure du destin ?

 

 

 

I- la monstruosité de Lucrèce

 

“Doña Lucrezia, paraissant tout à coup, vêtue de noir, au seuil de la porte. Vous êtes chez moi !”  C’est un personnage très puissant dans son caractère, très autoritaire, on le voit grâce à la ponctuation.

 

“Il y a quelques jours, tous, les mêmes qui êtes ici, vous disiez ce nom avec triomphe. Vous le dites aujourd’hui avec épouvante.”

 

“Jeppo Liveretto, va rejoindre ton oncle Vitelli que j’ai fait poignarder dans les caves du Vatican ! Ascanio Petrucci, va retrouver ton cousin Pandolfo, que j’ai assassiné pour lui voler sa ville ! Oloferno Vitellozzo, ton oncle t’attend, tu sais bien, Iago D’Appiani, que j’ai empoisonné dans une fête ! Maffio Orsini, va parler de moi dans l’autre monde à ton frère de Gravina, que j’ai fait étrangler dans son sommeil ! Apostolo Gazella, j’ai fait décapiter ton père Francisco Gazella, j’ai fait égorger ton cousin Alphonse” : C’est aussi une femme puissante dans ses actes, il y a une longue énumération de tous les meurtres qu’elle a commis.

 

“Vous m’avez donné un bal à Venise, je vous rends un souper à Ferrare. Fête pour fête, messeigneurs !” Pour être encore plus cruelle, elle utilise l’ironie, même si la situation est terrible pour les autres, elle s’en réjouit.

 

“Ah ! Mes jeunes amis du carnaval dernier !” Elle utilise l’ironie, ce sont ses ennemis.

 

Vous ne vous attendiez pas à cela ? Pardieu ! Il me semble que je me venge. Qu’en dites-vous, messieurs ? Qui est-ce qui se connaît en vengeance ici ? Ceci n’est point mal, je crois ! -hein ? Qu’en pensez-vous ? Pour une femme ! : Elle est fière de ce qu’elle a fait, elle s’en vante, ce qui est cruel à entendre pour des personnes qui vont mourir.

 

Soyez tranquilles. Elles sont en bonnes mains. Ces dignes pères sont des moines réguliers de saint-Sixte, auxquels notre Saint-Père le pape a permis de m’assister dans des occasions comme celle-ci. -et si j’ai eu soin de vos âmes, j’ai eu soin aussi de vos corps. : Elle se réjouit encore et elle est fière de ce qu’elle propose à ses amis.

 

Ah ! Jeunes gens ! Vous arrachez les entrailles à une malheureuse femme, et vous croyez qu’elle ne se vengera pas ! Elle est animée par un sentiment de haine et de vengeance qui ne peut la quitter,

 

II- le resserrement dramatique de l’action

 

“Je viens vous annoncer une nouvelle, c’est que vous êtes tous empoisonnés, messeigneurs, et qu’il n’y en a pas un de vous qui ait encore une heure à vivre. Ne bougez pas.”   On apprend qu’il n’y a plus d’issue possible pour les convives, qu’ils vont tous mourir empoisonné.

 

“Mes pères, emmenez ces gentilshommes dans la salle voisine qui est préparée, confessez-les, et profitez du peu d’instants qui leur restent pour sauver ce qui peut être encore sauvé de chacun d’eux. —messieurs, que ceux d’entre vous qui ont des âmes y avisent.” Elle accélère leur mort car pour pouvoir aller au paradis ils devaient se confesser, elle le fait immédiatement comme si elle voulait accélérer le processus.  

 

Tenez ?

 

Aux moines qui sont devant la porte du fond. —rangez-vous un peu, mes pères, que ces messieurs voient.

 

Les moines s’écartent et laissent voir cinq cercueils couverts chacun d’un drap noir rangé devant la porte. —le nombre y est. Il y en a bien cinq. —ah ! Jeunes gens ! : la mort semble toujours de plus en plus proche, le temps s'accélère.

 

Voici le tien, Jeppo. Maffio, voici le tien. Oloferno, Apostolo, Ascanio, voici les vôtres ! : de façon ironique elle distribue les cercueils comme pour les presser et leur rappeler qu’il n’y pas d’issue possible

 

Gennaro, qu’elle n’a pas vu jusqu’alors, faisant un pas. Il en faut un sixième, madame !

 

Doña Lucrezia. Ciel ! Gennaro ! : La fin de va pas se passer comme prévu,

 

Gennaro. Lui-même.

 

Doña Lucrezia. Que tout le monde sorte d’ici. -qu’on nous laisse seuls. - Gubetta, quoi qu’il arrive, quoi qu’on puisse entendre du dehors de ce qui va se passer ici, que personne n’y entre !

 

Gubetta. Il suffit. : Son fils était présent dans la salle et lui aussi a été empoissonné le piège se referme sur Lucrezia, elle pensait contrôler la fin de cette histoire, mais finalement elle aussi va subir les effets de ses propres actes et elle va toutes sa vie être rongé de remords.

 


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