Commentaire composé de Ruy Blas acte V, scène 6 de Victor Hugo : La mort de Ruy Blas

Commentaire composé de Ruy Blas acte V, scène 6 de Victor Hugo : La mort de Ruy Blas

Texte

RUY BLAS - Victor Hugo

Acte V Scène 4 - La reine, Ruy Blas.

Ruy Blas fait quelques pas en chancelant vers la reine immobile et glacée, puis il tombe à deux genoux, l'œil fixé à terre, comme s'il n'osait lever les yeux jusqu'à elle.

 

Ruy Blas, d'une voix grave et basse.

Maintenant, madame, il faut que je vous dise.

– Je n'approcherai pas. – Je parle avec franchise.

Je ne suis point coupable autant que vous croyez.

Je sens, ma trahison, comme vous la voyez,

Doit vous paraître horrible. Oh ! Ce n'est pas facile

À raconter. Pourtant je n'ai pas l'âme vile,

Je suis honnête au fond. – cet amour m'a perdu. –

Je ne me défends pas ; je sais bien, j'aurais dû

Trouver quelque moyen. La faute est consommée !

– C'est égal, voyez-vous, je vous ai bien aimée.

 

La Reine.

Monsieur...

 

Ruy Blas, toujours à genoux.

N'ayez pas peur. Je n'approcherai point.

À votre majesté je vais de point en point

Tout dire. Oh ! Croyez-moi, je n'ai pas l'âme vile ! –

Aujourd'hui tout le jour j'ai couru par la ville

Comme un fou. Bien souvent même on m'a regardé.

Auprès de l'hôpital que vous avez fondé,

J'ai senti vaguement, à travers mon délire,

Une femme du peuple essuyer sans rien dire

Les gouttes de sueur qui tombaient de mon front.

Ayez pitié de moi, mon Dieu ! Mon cœur se rompt !

 

La Reine.

Que voulez-vous ?

 

Ruy Blas, joignant les mains.

Que vous me pardonniez, madame !

 

La Reine.

Jamais.

 

Ruy Blas.

Jamais !

Il se lève et marche lentement vers la table.

Bien sûr ?

 

La Reine.

Non, jamais !

 

Ruy Blas.

Il prend la fiole posée sur la table, la porte à ses lèvres et la vide d'un trait.

Triste flamme,

Éteins-toi !

 

La Reine, se levant et courant à lui.

Que fait-il ?

 

Ruy Blas, posant la fiole.

Rien. Mes maux sont finis.

Rien. Vous me maudissez, et moi je vous bénis.

Voilà tout.

 

La Reine, éperdue.

Don César !

 

Ruy Blas.

Quand je pense, pauvre ange,

Que vous m'avez aimé !

 

La Reine.

Quel est ce philtre étrange ?

Qu'avez-vous fait ? Dis-moi ! Réponds-moi ! Parle-moi !

César ! Je te pardonne et t'aime, et je te croi !

 

Ruy Blas.

Je m'appelle Ruy Blas.

 

La Reine, l'entourant de ses bras.

Ruy Blas, je vous pardonne !

Mais qu'avez-vous fait là ? Parle, je te l'ordonne !

Ce n'est pas du poison, cette affreuse liqueur ?

Dis ?

 

Ruy Blas.

Si ! C'est du poison. Mais j'ai la joie au cœur.

Tenant la reine embrassée et levant les yeux au ciel.

Permettez, ô mon Dieu, justice souveraine,

Que ce pauvre laquais bénisse cette reine,

Car elle a consolé mon cœur crucifié,

Vivant, par son amour, mourant, par sa pitié !

 

La Reine.

Du poison ! Dieu ! C'est moi qui l'ai tué ! – je t'aime !

Si j'avais pardonné ? ...

 

Ruy Blas, défaillant.

J'aurais agi de même.

Sa voix s'éteint. La reine le soutient dans ses bras.

Je ne pouvais plus vivre. Adieu !

Montrant la porte.

Fuyez d'ici !

– Tout restera secret. – je meurs.

Il tombe.

 

La Reine, se jetant sur son corps.

Ruy Blas !

 

Ruy Blas, qui allait mourir, se réveille à son nom prononcé par la reine.

Merci !

Ruy Blas - Victor Hugo

Commentaire composé

Montrez que ce dénouement est représentatif du drame romantique.

I/ Un discours contradictoire

 

Le repenti tragique

“Je suis honnête au fond” Témoigne de l'honnêteté de Ruy Blas. Exprime aussi ses remords avec “Je ne me défends pas”.

 

“je vais de point en point Tout dire” Ruy Blas confesse et joue la carte de la transparence pour être le plus clair possible.

 

“La faute est consommée !” exprime la fatalité de la situation dans laquelle se trouve Ruy Blas.

 

Un discours contradictoire: les marques de la justification

 

Ruy Blas se contredit: “Je ne suis point coupable” ; “Je ne me défends pas”

 

Il essaye de se faire pardonner avec l’hyperbole “cet amour m'a perdu.” et tente de susciter la compassion de la Reine avec : “je n'ai pas l'âme vile”

II/ Un dénouement tragique

 

Une scène d’amour tragique

“Vivant, par son amour, mourant, par sa pitié !” Ruy Blas meurt par amour

“Ce n'est pas facile À raconter.” Montre que ses paroles sont libératrice et lui permette d’avouer avec “je vous ai bien aimée.”

Une agonie rédemptrice

“Si ! C'est du poison. Mais j'ai la joie au cœur.” Paradoxe, montre que la mort est purificatrice.

 

“Je m'appelle Ruy Blas.” Il retrouve sa vrai identité.

III/ Un dénouement représentatif de l’esprit romantique

 

Mélange de genre: sublime et grotesque

Sublime: “Je te pardonne et t'aime, et je te croi !” Scène d’amour émouvante car c’est la séparation définitive des deux amants.

Grotesque: “ Merci !” Le spectateur ne s’attend pas à ce mot. “je meurs.” Mise en abyme, Ruy Blas est spectateur de sa propre mort.

 

Un dénouement en rupture avec la tragédie classique

 

Règle de la bienséance bafoué, Ruy Blas meurt sur scène “Ruy Blas, qui allait mourir,”

 

Ruy Blas est un simple valet alors que dans la tragédie classique tous les personnages sont de sang royal. De plus, la liaison entre un valet et une reine est interdit.

 

En conclusion, nous pouvons voir que ce dénouement est représentatif du drame romantique. Le fait que Ruy Blas exprime des paroles contradictoires, que le dénouement est tragique mais qu’il est représentatif de l’esprit romantique appuie cette thèse.



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