Analyse de Gargantua de Rabelais, Chapitre 57, L’abbaye de Thélème

Analyse de Gargantua de Rabelais, Chapitre 57, L’abbaye de Thélème

Introduction

 

Le chapitre 57 de "Gargantua" de François Rabelais, publié en 1534, marque l'apogée de l'œuvre avec la création de l'abbaye de Thélème. Cette abbaye, fondée par Gargantua en récompense des services de frère Jean dans la guerre contre Picrochole, incarne une utopie humaniste. Rabelais, lui-même ancien moine, y projette sa vision d'une abbaye idéale, s'éloignant des normes monastiques traditionnelles. Inspirée par l'architecture du château de Chambord, Thélème est un lieu où la liberté et l'éducation prennent une place centrale, reflétant les idéaux humanistes de l'époque.

 

I. L'éloge de l’abbaye de Thélème

 

L'abbaye de Thélème se distingue par sa population exceptionnelle. Rabelais décrit ses habitants comme des hommes et des femmes de noble origine, dotés d'une excellente éducation et de qualités sociales remarquables. Ils sont polyvalents, maîtrisant diverses disciplines et arts, allant de la chasse à la maîtrise de plusieurs langues. Cette énumération de compétences, croissante en prestige, souligne l'importance de l'éducation pour Rabelais. Les Thélémites pratiquent aussi bien des activités raffinées que des loisirs plus communs, sans distinction de genre, bien que certaines activités soient spécifiques à chacun. À l'extérieur de l'abbaye, ils continuent à faire preuve de noblesse, notamment dans les relations amoureuses, où le chevalier se dévoue entièrement à sa dame. Cette description idéalisée, renforcée par l'utilisation d'anaphores et d'un vocabulaire mélioratif, met en lumière une communauté parfaite selon les critères humanistes.

 

II. Une abbaye contraire aux autres abbayes

 

L'abbaye de Thélème rompt radicalement avec les conventions monastiques de l'époque. Elle accueille hommes et femmes en égalité, sans hiérarchie ni obéissance forcée. Cette absence de contraintes se manifeste dans l'organisation quotidienne : pas de supérieur, pas d'horaires stricts, pas de tenue imposée. Les Thélémites jouissent d'une liberté totale, y compris celle de quitter l'abbaye à leur guise, en contraste frappant avec les règles strictes des monastères traditionnels. Cette liberté s'étend jusqu'à la possibilité de se marier, une idée révolutionnaire à l'époque. Rabelais, à travers cette description, critique subtilement les autres abbayes et propose un modèle alternatif où la liberté prime sur la contrainte.

 

III. La vie idéale dans l'abbaye de Thélème

 

L'abbaye de Thélème est présentée comme une utopie. La devise "Fais ce que voudras" symbolise une liberté absolue, guidée par le "vouloir et franc arbitre" de chacun. Cette liberté est cependant tempérée par la vertu intrinsèque des Thélémites, qui garantit l'harmonie de la communauté malgré l'absence de lois. Rabelais, en humaniste, croit en la bonté naturelle de l'homme, capable de vivre en harmonie sans contraintes extérieures. Cependant, cette utopie a ses limites. Elle est réservée à une élite bien éduquée, capable de vivre selon ces principes sans céder au vice. De plus, la nécessité de se soumettre aux désirs des autres peut être vue comme une contrainte, remettant en question le concept de libre arbitre.

 

Conclusion

 

L'abbaye de Thélème, dans "Gargantua", est un outil pour Rabelais de critiquer la religion et de promouvoir ses idéaux humanistes. Il présente une communauté sans contraintes où la vertu permet une vie harmonieuse. Toutefois, cette utopie est nuancée par les limites inhérentes à sa nature élitiste et par la dépendance aux désirs des autres. Ainsi, Rabelais ne se contente pas de critiquer l'ordre établi ; il invite également à une réflexion sur les conditions nécessaires à l'établissement d'une société idéale.

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