Lecture analytique de la fable de La Fontaine La cour du lion

Fable
La Cour du Lion
Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître
De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture,
Avec son sceau. L'écrit portait
Qu'un mois durant le Roi tiendrait
Cour plénière, dont l'ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.
Par ce trait de magnificence
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son Louvre il les invita.
Quel Louvre ! Un vrai charnier, dont l'odeur se porta
D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine :
Il se fût bien passé de faire cette mine,
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette sévérité,
Et flatteur excessif il loua la colère
Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur :
Il n'était ambre, il n'était fleur,
Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie
Eut un mauvais succès, et fut encore punie.
Ce Monseigneur du Lion-là
Fut parent de Caligula.
Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,
Que sens-tu ? Dis-le-moi : parle sans déguiser.
L'autre aussitôt de s'excuser,
Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
Sans odorat ; bref, il s'en tire.
Ceci vous sert d'enseignement :
Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
Jean de La Fontaine. Livre VII
Lecture analytique
I ) Un récit pour plaire et divertir
Tout d’abord on peut voir que les animaux de cette fable correspondent à des types humains : le Lion représente le roi, l’Ours représente le sincère, le Singe l'hypocrite et le renard le rusé. Le récit est composé de trois parties : la première permet de situer le contexte, la deuxième présente les différents types d’animaux, et enfin la dernière est un résumé qui explique la morale. Afin d'impliquer davantage le lecteur, le fabuliste insère un présent dans un récit majoritairement au passé : “ bref, il s'en tire.”, et l’hétérométrie permet aussi de divertir le lecteur en gardant son attention et en apportant de la gaité. On peut voir que les vers les plus courts sont les plus effrayants : “Fut parent de Caligula.”, tandis que les plus longs permettent de situer les grandes étapes, les moments importants du récit. De plus le Lion voulait savoir “De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.”, c'est-à-dire connaître l’avis des courtisans à son égard, mais l’on remarque que sa réaction est contradictoire car il punit les animaux trop sincères mais aussi les plus hypocrites, donc cette opposition peut être comique. Le comique est également visible par les phrases courtes du narrateur pour expliquer les actions du roi : “Il se fût bien passé de faire cette mine, Sa grimace déplut. Le Monarque irrité L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.”, cela montre l’injustice du roi qui va jusqu'à tuer les animaux dont le comportement lui déplaisent.
II ) Un récit fait pour instruire
Derrière le comique de cette fable, le fabuliste présente le roi comme un tyran, un roi injuste et mauvais d’après ses remarques : “Ce Monseigneur du Lion-là Fut parent de Caligula.”, “Quel Louvre ! Un vrai charnier”. Les attitudes des trois animaux sont très différentes : l’attitude du renard est habile et montre que certains courtisans ont appris a usé de ruse pour éviter les questions du roi. Cela révèle que la cour est hypocrite et que pour pouvoir y rester ils ont appris à mettre en place des stratagèmes. Enfin les derniers vers qui présentent la morale explicite cachent aussi une critique, qui ne peut pas être formulée explicitement puisque le fabuliste veut ici condamner le roi.
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