Analyse de la lettre 24 des Lettres Persanes de Montesquieu

Analyse de la lettre 24 des Lettres Persanes de Montesquieu

Commentaire composé

I) Un texte ludique qui promeut la philosophie des Lumières 

1. Le genre épistolaire

 

Cette lettre est ludique qui promeut la philosophie des Lumières. Tout d‘abord, ce texte appartient au genre épistolaire. Dès le début de la lettre, le narrateur place son lecteur dans un cadre spatio-temporel éloigné. Il emploie le présent de narration pour conter son aventure : «Nous sommes à Paris depuis un mois, et nous avons toujours été dans un mouvement continuel.»

 

2. Le regard éloigné

 

Ensuite, le narrateur porte un regard étranger sur la France. Il compare la ville de Paris à sa ville natale. Il utilise l’ironie pour souligner la hauteur des maisons françaises : «Paris est aussi grand qu'Ispahan : les maisons y sont si hautes, qu'on jugerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues.» Les hyperboles sont omniprésentes afin de donner l'impression d’un pays désorganisé et pas suffisamment civilisé : “Un homme qui vient après moi et qui me passe me fait faire un demi-tour; et un autre qui me croise de l'autre côté me remet soudain où le premier m'avait pris”. Il intègre aussi la tradition persane à travers les sciences. En effet, les persans sont plus avancés dans le domaine scientifique que les Européens ce qui lui donne une occasion supplémentaire de se moquer des Français. De plus, le Persan est surpris par la sur-population parisienne et la mauvaise organisation de la ville: «Tu juges bien qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrêmement peuplée; et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il s'y fait un bel embarras.». Le Persan porte un regard étranger et surpris sur le mode de vie accéléré des parisiens, en contraste avec la ville d’Ispahan : «Il n'y a pas de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les Français; ils courent, ils volent : les voitures lentes d'Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomber en syncope.» Enfin, le Persan étant étranger, il s’est résigné à accepter le comportement des français qu’il juge moins civilisé que celui de son propre peuple. Il en fait tout de même la comparaison : «Pour moi, qui ne suis point fait à ce train, et qui vais souvent à pied sans changer d'allure, j'enrage quelquefois comme un chrétien : car encore passe qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement.» Or, un chrétien ne devrait jamais s’énerver.

   

3. L’ironie du narrateur 

 

L’ironie du narrateur a une grande importance dans cette lettre. Les deux Persans sont certes bien logés mais ils leur manque toutefois le nécessaire, ce qui insiste sur la pauvreté du peuple français par comparaison:  «Il faut bien des affaires avant qu'on soit logé, qu'on ait trouvé les gens à qui on est adressé, et qu'on se soit pourvu des choses nécessaires, qui manquent toutes à la fois.» Ensuite, le narrateur souligne le manque d’hygiène dans les rues de Paris, ce qui explique que personne ne sort à pieds. Les Parisiens se font transporter à l’aide d’un carrosse ou d’un cheval : «Tu ne le croirais pas peut-être, depuis un mois que je suis ici, je n'y ai encore vu marcher personne.» Le narrateur utilise l’ironie pour souligner le manque d’égards des parisiens qui le bousculent dans la rue : «Pour moi, qui ne suis point fait à ce train, et qui vais souvent à pied sans changer d'allure, : car encore passe qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement.» Enfin, le narrateur a souvent vu les français s’énerver, alors qu’ils se targuent d’être chrétiens. Il fait un amalgame et en a déduit que les chrétiens s’énervent facilement tandis que normalement cela devrait être le contraire. Par conséquent, les parisiens véhiculent une image contraire aux idées de paix qu’ils revendiquent : “quelquefois comme un chrétien”.

 

II) Une critique de la société du XVIIe siècle 

1. Une critique du peuple

 

Mais cette lettre est avant tout une critique de la société du XVIIe siècle. Le Persan est étonné par la complexité des mœurs européennes et plus précisément française: «Ne crois pas que je puisse, quant à présent, te parler à fond des mœurs et des coutumes européennes : je n'en ai moi-même qu'une légère idée, et je n'ai eu à peine que le temps de m'étonner.» De plus, le Persan dresse une critique du peuple parisien en lui donnant un aspect animalier avec la référence à une basse cour : «Un homme qui vient après moi et qui me passe me fait faire un demi-tour; et un autre qui me croise de l'autre côté me remet soudain où le premier m'avait pris; et je n'ai pas fait cent pas, que je suis plus brisé que si j'avais fait dix lieues.»

 

2. Une critique de la cour et de la religion

 

Cette lettre porte aussi une critique de la cour et de la religion : «Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or comme le roi d'Espagne son voisin; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre; et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.» Le Persan fait la critique de l’administration et de la cour de Louis XIV, notamment avec l’achat des charges de noblesse et la guerre constante contre la Prusse. Il critique ainsi le mode de remplissage des caisses de l'État mais suggère aussi que la noblesse ne devrait pas être à vendre. Le roi comme ses sujets sont donc bouffis d’orgueil et dépourvus de tout sens de l’honneur. 

Les Persans sont également surpris par l’usage du billet de banque qui entraîne un risque d’inflation: «D'ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et il le croient.» Puis, le narrateur dresse la critique de la monarchie du droit divin et des croyances du peuple au sujet de la guérison des écrouelles par l’imposition des mains: «Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits.» 

Pour finir, le narrateur dit que le Pape est un charlatan qui croit lui-même à ses mensonges, ce qui souligne son grand pouvoir et d’après lui, sa grande stupidité. Il nie l’Eucharistie (moment de la messe ou les chrétiens reçoivent le corps du Christ) et la transsubstantiation (le fait que pendant la messe l’hostie devient le corps et le vin le sang du Christ) : «Ce que je dis de ce prince ne doit pas t'étonner : il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape : tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce.»  


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Commentaires: 1
  • #1

    aymen ammour abid (mardi, 17 mai 2022 20:42)

    "il s y fait un bel embarras " expliquez l ironie