Analyse de la fable de La Fontaine Le chat, la belette et le petit lapin

Analyse de la fable de La Fontaine Le chat, la belette et le petit lapin

Etude linéaire

Introduction : Les Fables de La Fontaine font partie du patrimoine littéraire français, voire mondial. Regroupées dans trois recueils entre 1668 et 1694, pour un total de 243 fables.  Elles mettent généralement en scène des animaux anthropomorphes et contiennent, presque systématiquement, une morale. Jean De La Fontaine est donc ce qu’on peut appeler un moraliste. Grâce à son utilisation de l’argumentation indirecte (majoritairement des fables), il véhicule des idées par le biais de la fiction, afin de contourner la censure et de séduire le lecteur tout en développant son esprit critique. Ainsi, il réalise une satire de la cour et analyse de manière générale, universelle et atemporelle, le comportement des hommes (leurs qualités et leurs défauts).

Reprise du sujet : Dans cette fable « le chat, la belette et le petit lapin », la 15e du livre 7, paru en 1678, un lapin et une belette s’affrontent pour savoir qui des deux aura le terrier avant d’avoir recours à un chat, qui coupera très vite court à la discussion.       

Problématique : Quelles sont les différentes critiques présentes dans cette fable ?

Plan Vers 1 à 9 : Introduction de la situation, des personnages et du cadre champêtre. 

Vers 10 à 31 : Scène 1 devant le terrier, la dispute orale, l’exclamation.

Vers 32 à 45 : Scène 2 “ Arbitrage” du chat et mort des deux plaignants. 

Vers 46 et 47 : La morale.

 

I) Introduction de la situation, des personnages et du cadre champêtre. V.1-9

 

Dès le premier vers, le lecteur est plongé dans l’action, puisque l’élément perturbateur (l’installation de la belette dans le terrier du lapin) intervient dans la première phrase. Le verbe « s’emparant », au passé simple, indique une action rapide. C’est un début in média RES.

Au v.1, La demeure du lapin est transformée en un « palais » alors que c’est un simple terrier. C’est burlesque. De plus, il est « jeune » il se montre naïf : il ne remet pas en cause l’ordre établi et se contente de suivre la coutume sans se poser de questions.

Le rythme de la fable est irrégulier, ce qui donne au récit une impression de vivacité.

Alternance Alexandrins–octosyllabes – fable hétérométrique.

Le texte contient de nombreux jeux de mots notamment dans les différentes nominations des personnages qui crée un effet comique par le contraste entre la noblesse des désignations et leur identité réelle. On voit par exemple au vers deux que la belette est appelée « dame belette » et ce ne sera pas la seule appellation de la fable.

L’action démarre ainsi avec une série de trois octosyllabes plus rapides que l’alexandrin.

La belette met peu de temps pour s’installer dans le logis du lapin accentué par le rejet de “s’empara” au vers 3. – effets de rythmes

La belette « est une rusée », elle se montre audacieuse et fait face au lapin, pourtant mieux né qu’elle.

On peut trouver plusieurs champs lexicaux. Le champ lexical de la noblesse “palais” ; “Maître” “dame”. 

Ici le mot palais est utilisé de manière ironique afin de désigner le terrier du lapin. Le palais fait du jeune lapin un jeune seigneur et l’utilisation du mot Dame devant Belette au second vers peut faire penser que la belette appartient à la bourgeoisie mais pas à la noblesse. 

L’utilisation du mot “Maître” au vers 4 accentue cette idée que le lapin est noble.  

Le mot « Aurore » ainsi que le mot « cours » désigne le Roi-Soleil, Louis XIV.

Le mot “Palais” vers 1 est en opposition avec “souterrains” vers 9. 

On a de nombreuses allitérations : en [ou] vers 5,6 et 8 “ jour” ;”cour” ;”brouté” ; “tous” ; “tours” ainsi qu’en [t] vers 8,9 “brouté” ;”trotté” ;”tous” ; “tours” ; “retourne » ; « souterrains”. 

Le jeu des allitérations évoque toute la vivacité et la joie de vivre du jeune lapin. Les vers 6,7 et 8 montrent que le lapin prend son temps et qu’il ne se doute de rien. 

Avec l’image du courtisans tête, ce vers ne manque pas de charme si on l’applique aux manœuvres et intrigues des membres de la cour pour s’attirer les faveurs du roi.

Verbe de mouvement très présent : « porta » V.5 « trotté » v.8 « fait tout ses tours » v.8

“Janot Lapin” au vers 9 est un autre élément montrant que le lapin est encore jeune. 

Le rythme est dynamique, il est d'abord rapide avec les 3 premiers vers en octosyllabes ce qui montre la rapidité de l’action et de nombreux verbes de mouvements "s’empara », brouté », trotté »,”fait tous ses tours », « retourne”.

Conclusion : la première partie de la fable est une succession de mouvement rapide, qui participe à la vivacité du récit.

 

II)  Scène 1 devant le terrier, la dispute orale, l’exclamation. Vers 10 à 31

 

Utilisation de alexandrins pour le passage narratif jusqu’à la prise de parole du lapin v.13 en octosyllabes qui révèle sa surprise et sa colère « O là, Madame la Belette, /… »

La grandiloquence de Jean lapin « ô dieu hospitalier, que vois-je ici paraître ? » Prête également à rire par le décalage entre l’image du petit lapin broutant dans les fourrés et son élocution extrêmement soignée. Appel audio et explique la ligne de succession, remet en cause l’argument de la belette « le premier occupant est une loi plus sage ? ».

Des vers 11 à 15 et 20 à 24 on est au style direct ce qui donne une impression de scène de théâtre.  On se sent donc plus concerné par les arguments mis en avant par chacune des parties. On a l’impression d’assister à la scène. 

Vers 10 et 11 rimes suivies, vers 12 à 15 et 20 à 23 rimes embrassées, vers 16 à 19 rimes croisées 

Cette variété contribue également à l’aspect ludique de la fable.

Discours direct (prise de parole avec verte introduction) « Dit l’animal chassé du paternel logis »

Plusieurs champs lexicaux : - l’habitation : “logis” 3 fois, "terre", et “royaume”

Le droit : “loi”, “octroi”,” la coutume”, “ l’usage”.

La famille : "paternel », “fils”, “neveu”, “père”.

Les registres varient notamment dans le discours du lapin qui commence par un langage soutenu “Ô Dieux hospitaliers “ vers 11 mais qui vers 14 utilise une expression populaire “sans trompette”. 

Vers 15 lorsque le lapin dit qu'il veut faire appel à tous les rats du pays, on voit bien encore une fois que le lapin est jeune et ne sait pas comment s’en sortir seul de cette affaire.

Discours indirect V. 16 « la dame au nez pointu répondit que la terre »

La réponse de la belette au lapin qui s’étale sur deux verres, forment un enjambement : « la dame au nez pointu répondit que là terre/était au premier occupant. »

La ruse de la belette est décrite à travers son aspect physique vers 16 “ nez pointu” et son comportement vers 10 “ La belette avait mis le nez à la fenêtre “ ce qui montre qu’elle est fière de ce qu’elle a fait et aussi qu’elle veut narguer le lapin qui est trop insouciant.

Discours indirect libre « c’était un beau sujet de guerre » vers 18

Vers 23 et 24 il y a une accumulation de noms ce qui montre que cela fait longtemps que le terrier appartient à la famille du lapin. Parallélisme qui structure son discours. 

Trois rythmes binaires qui se succèdent (fils/neveux, Pierre/Guillaume, Paul/ Moi).

Tout comme le lapin, les nobles ne remettent pas en question leurs privilèges (notamment la propriété, qui leur est transmise) et se conforment à l’usage.

Ainsi par ses seules prises de parole, il est difficile pour le lecteur de décider qui a raison : les deux discours étant également bien argumenté, les deux positions semble se valoir. D’ailleurs, le chat appelé en juge, censé trancher le débat, n’apportera pas de solution dans un sens ou dans l’autre

 

III) Vers 32 à 45 : Scène 2 “ Arbitrage” du chat et mort des deux plaignants. 

 

Le chat est introduit par le surnom Raminagrobis vers 31 (nom d’un vieux poète de Rabelais). Il n’intervient qu’à la fin, mais a pourtant une place privilégiée dans le titre : c’est un personnage important dans le récit, puisque c’est lui qui aura le dernier mot.

Les assonances en [en] et [a], du vers 32 à la fin de la fable, évoquent une certaine placidité et lenteur du chat puisqu'elles alourdissent le style. 

Le chat est pourtant fourbe et hypocrite, comme le montre la longue description qu’en fait La Fontaine sur plusieurs verres en octosyllabes alexandrins V. 32–35

Vers 32 à 35 on a une description du chat qui va servir de juge aux deux plaignants. Il est décrit comme étant plutôt imposant par les adjectifs “gros”, “gras” mais également “bien fourré” qui peuvent faire référence à l'opulence de la richesse et du confort. Il semble être le parfait juge, il est dit “un dévot ermite”, “saint homme”, “arbitre expert”.

Antithèse « dévots ermite », le chat est pourtant « gros et gras » ; « bon apôtres », il croit que les deux opposants qui font appel à son aide.

Cependant ce chat est hypocrite comme nous le montre les expressions “ faisant la chattemite” vers 33, “ Grippeminaud” vers 39 et 43 connoté de manière péjorative et “bon apôtre” vers 43 ici utilisé de manière ironique. 

Ainsi, c’est un portrait très négatif qui est montré de ce personnage, pourtant représentant de la loi « juge », « arbitre expert » et du clergé « dévot ermite » « bon apôtres » dans la fable.

De même, « chattemite » jeu de mot avec chat, désigne une personne hypocrite derrière ses airs doucereux. Il leur fait croire qu’il est vieux et sourd v.40 « je suis sourd » il s’adresse affectueusement à eux « mes enfants, approcher » V. 39pour mieux leur sauter dessus

Vers 38   “ sa majesté fourrée” peut faire référence aux tenues des juges mais aussi au roi avec le manteau d’hermine.

La vieillesse -prétendue- est exprimée par l’allitération en [s] vers 40 “suis”, “sourd”, “sont”, cause”. Elle rappelle le [s] de la surdité.

Vers 44 et 45, le chat montre sa vraie nature à travers la violence “jetant”, “griffe”, “croquant”.  Cette violence à la fin de la fable est en opposition avec l’innocence évoquée au début de la fable avec le jeune lapin. 

Cette opposition entre la belette et le lapin, finalement tranché par le chat, n’est donc pas aussi anodine qu’elle pourrait le paraître au premier abord : La Fontaine pose de réels éléments de réflexion sur les problématiques de son temps.

Ainsi, la justice est dépeinte de manière extrêmement négative. Tout d’abord, la personne du juge, le chat, est négative : faux dévots, hypocrite et rusé, il profite de la naïveté de la belette et du chat pour se remplir la panse et servir ses propres intérêts.

Ensuite, la belette pose la vraie question de la légitimité de l’héritage : il n’y a rien à faire pour hériter, il suffit d’être bien et. « Quelle loi » civile, interroge la belette justifie cette injustice ? C’est un argument presque révolutionnaire que met la fontaine dans la bouche de la belette.

                         

IV) La morale 46-47

 

Morale très explicite : La Fontaine se moque des conflits entre « petits seigneurs » qui, incapables de se mettre d’accord, font appel au roi pour régler leurs problèmes. Par la morale, le roi est explicitement assimilé aux chats (lui-même désigné comme « sa majesté »). Il a le pouvoir et l’autorité de trancher les conflits, c’est à lui que ça dresse les sujets lorsqu’ils ont besoin d’un juge suprême.

Ces deux derniers vers concluent la fable sur une morale comme pour la plupart des fables de manière explicite. C’est le seul endroit où l’auteur fait référence à l’homme.

Conclusion : Sous son aspect vif et ludique, « le chat, la belette et le petit lapin » pose donc de vraies questions, auxquelles La Fontaine prend soin de ne pas répondre directement.

S’il écrit ses fables sous la forme de compte dans les personnages sont des animaux, c’est aussi pour échapper à la censure : en effet, ses idées audacieuses peuvent paraître subversive ils sont même contraire à la coutume de son temps.

Ici se pose la problématique de légitimité du pouvoir représenté par le chat, qui trouve sa source dans la violence. Ce thème rappelle le loup est l’agneau ou La Fontaine dénonçait là aussi l’hypocrisie de la justice.

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