Analyse de La Mort du roi Tsongor de Laurent Gaudé

Analyse de La Mort du roi Tsongor de Laurent Gaudé

Incipit

I) Un jour extraordinaire et festif

 

Le roman commence in medias res. Le jour qui s’annonce est extraordinaire parce que ce sont les noces de la fille du roi Tsongor « Ils venaient assister aux noces ». Ce mariage princier attire « de longues colonnes marchandes » qui viennent participer à la fête. Les serviteurs ont travaillé sans relâche durant toute la nuit pour préparer la fête, ce qui donne l’impression que le roi est tout-puissant : « il n’y avait pas eu de nuit. Le travail n’avait pas cessé » La description est très poétique ce qui place cet incipit sous le signe du mystère. Les fleurs ont une grande part dans le décor : « des sacs innombrables de fleurs ».

 

II) Une antiquité imaginaire

 

Cette scène nous plonge dans une antiquité imaginaire, probablement en Afrique : « Des caravanes […] épices, bétail, tissus ». La présence d’esclaves nous fait imaginer un roi omnipotent à la manière des pharaons : « Des dizaines et des dizaines d’ouvriers ». Les distances parcourues semblent immenses et les pays lointains : « venaient des contrées les plus éloignées ».

La mort du roi Tsongor

I) Un récit romanesque

a) Le schéma narratif

 

Cet extrait respecte un schéma narratif traditionnel :

On y trouve tout d’abord une situation initiale : “[Katabolonga] laissa tomber le poignard à ses pieds. Il se tenait là, les bras ballants, incapable de rien faire”, où le personnage principal de ce texte ( Katabolonga) donne l’arme au roi, qui est son ami sans pouvoir rien y faire.

 

Ensuite, on relève un élément perturbateur : “Il se baissa, rapidement, prit le couteau et, sans que Katabolonga ait le temps de comprendre, il s'entailla les veines de deux gestes coupants”, ici le roi commence une mort lente en s’entaillant les veines. Son ami toujours impuissant ce qui renforce l’inquiétude du lecteur. 

 

Puis la péripétie se met en place par le discours amical du roi pour Katabolonga : de “« Voilà. Je meurs.” à  “Aide-moi »”.

 

L’élément de résolution correspond au moment où Katabolonga poignarde le roi pour abréger ses souffrances, mais allume celle de l’ami du roi :   “D'un geste brusque, il planta le poignard dans le ventre du vieillard” . De plus il répète son geste ce qui montre qu’il agit sous une impulsion : “Et porta un nouveau coup.”

 

Et enfin la situation finale représente la mort du roi dans les bras de son ami ce qui accomplit la vengeance du peuple de Katabolonga :  “Le roi Tsongor était mort.”, “Katabolonga s'agenouilla, prit la tête du roi sur ses genoux.”

 

b) L’importance de la description

 

La description permet de nous faire vivre cette mort en temps réel.

 

“Il se tenait là, les bras ballants, incapable de rien faire.”: le narrateur décompose chaque gestes comme un effet de ralenti que l’on peut trouver dans les films.

 

 “Des poignets du roi coulait un sang sombre qui se mêlait à la nuit.”: le sang qui coule nous amène à visualiser la scène.

 

Chaque description est précise et détaillée ce qui donne au texte une tonalité réaliste: “Il se baissa, rapidement, prit le couteau et, sans que Katabolonga ait le temps de comprendre”. 

 

“[Katabolonga] laissa tomber le poignard à ses pieds. Il se tenait là, les bras ballants, incapable de rien faire.(...)Des poignets du roi coulait un sang sombre qui se mêlait à la nuit” : on relève une assonance en [i] qui traduit la plainte du personnage.

 

II) Un récit tragique

a) Le personnage du roi Tsongor

 

Le roi de Tsongor est un personnage souffrant qui est soumis à un destin sans issu, celui de la mort pour pouvoir venger le peuple de Katabolonga. 

 

On observe le champ lexical de la mort : “s'entailla les veines”, “sang”, “meurs”,  “tuer”

 

“Le roi Tsongor aurait voulu étreindre son ami, mais il ne le fit pas. Il se baissa, rapidement, prit le couteau et, sans que Katabolonga ait le temps de comprendre, il s'entailla les veines de deux gestes coupants.”: on observe des allitérations en [t] et en [p] qui retranscrivent la violence de la mort du roi.

 

L’antithèse de la “ lumière” et de la  “mort”, relate le constraste entre l’accomplissement  de la vengeance et la tragédie de la mort du roi.

 

Le roi accepte et précipite même son destin en conservant son “calme” : “La voix du roi Tsongor retentit à nouveau. Calme et douce.” tout en demandant à son ami d’abréger sa souffrance : “Aide-moi”. 

 

b) Le personnage de Katabolonga

 

L’ami du roi doit accomplir sa vengeance en tuant celui qui a détruit son village mais contre sa volonté puisqu’il a maintenant de l’affection pour lui. Le destin s’abat sur Katabolonga, c’est une fatalité tragique.

 

Les voix des ancêtres seraient dans une tragédie antique prises en charge par le choeur qui porte la voix de la sagesse et du destin : “Katabolonga entendit, dans le trouble de son esprit, des voix lointaines rire en lui. C'étaient les voix vengeresses de la vie d'autrefois. Elles lui murmuraient dans sa langue maternelle qu'il avait vengé ses morts et qu'il pouvait être fier de cela.”

 

On relève un champ lexical de la vengeance : “les voix vengeresses”, “vengé ses morts”. Mais également celui de la violence : “planta le poignard”, “affaissa”, “La mort, d'un coup”

 

Il tue son ami contre sa volonté comme on peut le voir à son geste machinal et impulsif avec le poignard : “d’un geste brusque, il planta le poignard” , “Et porta un nouveau coup”. De plus le rythme est rapide ce qui retranscrit la respiration de Katabolonga.

 

Ainsi, cet extrait de roman fait de la mort du roi une tragédie en intégrant au récit les éléments traditionnels du tragique.

La bataille

I) Une scène épique

 

Tout d'abord on remarque que cet extrait est composé d'une alternance entre des phrases courtes et des phrases très longues, cet effet donne au lecteur d’être présent sur le champ de bataille et de recevoir des coups d'épées : “Pour la seconde fois [....] les rues de la ville. La nouvelle courut de maison en maison”. De plus l'emploi de verbes d'action rend la scène vivante et souligne l'impression de rapidité, comme si le lecteur était plongé au milieu de l’action : “avançaient”, “tombèrent”, “se précipita”, “se ruèrent”, “parvint”. Dans cette scène le registre principal est épique, donc nous pouvons relever le champ lexical du combat : “frappait”, “éventrant”,”les ennemis”, “les gardes”. Et le champ lexical de l'héroïsme: “sous la force de ses charges”, ne l'abandonna pas au combat”, “traversa les lignes ennemies”. Ensuite la description auditive et visuelle de cette scène plonge le lecteur au sein de l’action: “son visage était un cratère de terre”, “un puissant grognement”. On remarque que le narrateur insiste sur les blessures pour mettre en avant l'horreur de la scène, notamment avec la métaphore du cratère.

 

II) Liboko, un héros tragique

 

Liboko est un guerrier exemplaire, il met en déroute ses ennemis, c'est sans doute le meilleur guerrier de la scène : “il transperça des torses et défigura des hommes”. On remarque ensuite le champ lexical de héroïsme: “Liboko comme un démon se rua sur l’ennemi”. C'est un guerrier infatigable, à qui est associé le champ lexical du héros tragique, “fureur”, “rage”. Dans cette scène les sentiments de Liboko s’opposent  à son devoir, ce qui bloque son action. S’il avait exécuté son devoir de tuer son ennemi il aurait eu la vie sauve, mais à cause de son amitié il hésite trop longtemps, le temps semble s’être arrêté “un temps infini”, par opposition à l’enchaînement rapide des actions de la bataille. Ainsi Liboko est un personnage tragique puisque ses sentiments provoquent sa mort dans une situation où le sens du devoir politique aurait dû avoir sa préférence.

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