Analyse de Saint-Simon - Mémoires - Portrait de Louis XIV

Analyse de Saint-Simon - Mémoires - Portrait de Louis XIV

Texte

Duc de Saint-Simon (1675-1755)

Mémoires, rédigés en 1723-1750, publiés en 1829

 

Il aima en tout la splendeur, la magnificence, la profusion. Ce goût, il le tourna en maxime par politique, et l'inspira en tout à sa cour. C'était lui plaire que de s'y jeter en tables, en habits, en équipages, en bâtiments, en jeu. C'étaient des occasions pour qu'il parlât aux gens. Le fond était qu'il tendait et parvint par là à épuiser tout le monde en mettant le luxe en honneur, et pour certaines parties en nécessité, et réduisit ainsi peu à peu tout le monde à dépendre entièrement de ses bienfaits pour subsister. Il y trouvait encore la satisfaction de son orgueil par une cour superbe en tout, et par une plus grande confusion qui anéantissait de plus en plus les distinctions naturelles.

    C'est une plaie qui, une fois introduite, est devenue le cancer intérieur qui ronge tous les particuliers, parce que de la cour il s'est promptement communiqué à Paris et dans les provinces et les armées, où les gens en quelque place ne sont comptés qu'à proportion de leur table et de leur magnificence, depuis cette malheureuse introduction qui ronge tous les particuliers, qui force ceux d'un état à pouvoir voler, à ne s'y pas épargner pour la plupart, dans la nécessité de soutenir leur dépense...

    Rien, jusqu'à lui, n'a jamais approché du nombre et de la magnificence de ses équipages de chasses et de toutes ses autres sortes d'équipages. Ses bâtiments, qui les pourrait n'ombrer? En même temps, qui n'en déplorera pas l'orgueil, le caprice, le mauvais goût? Il abandonna Saint-Germain, et ne fit jamais à Paris ni ornement ni commodité, que le pont Royal, par pure nécessité, en quoi, avec son incomparable étendue, elle est si inférieure à tant de villes dans toutes les parties de l'Europe. 

Commentaire composé

Saint-Simon - Mémoires - Portrait de Louis XIV 

 

Le début "Il aima en tout la splendeur, la magnificence, la profusion"

annonce un portrait essentiellement abstrait, psychologique, moral 

1 . Un portrait sans doute critique d'abord sur les goûts du monarque

1.1 Redondance (termes appartenant à la même notion de richesse, de luxe) mais gradation de termes dans un rythme ternaire

splendeur 

éclat, beauté donnant une impression de luxe 

aussi prospérité, gloire 

magnificence 

beauté pleine de grandeur 

disposition à dépenser sans compter 

profusion 

abondance, souvent excessive 

habitude de dépenser avec excès 

renforcé par le en tout qui généralise ce comportement 

1.2. Développement dans le texte par une profusion de reprises, de détails matériels : 

Il y trouvait la satisfaction de son orgueil par une cour superbe en tout (sens de superbe) 

nombre magnificence des équipages de chasse 

ses bâtiments qui les pourrait nombrer 

1.3. Condamnation plus ferme à la fin : orgueil, caprice et mauvais goût 

 

2. Un portrait plus profond, plus subtil = analyse des motifs réels de cette profusion 

2.1. Dès la deuxième phrase : Ce goût il le tourna en maxime par politique 

maxime = règle de conduite morale 

opposition entre le terme et le contenu : luxe et dépense 

2.2. Il est l'instigateur des dépenses somptuaires de la cour

et l'inspira en tout à sa cour 

progression dans les termes de tables à jeu (le + cher et le + futile) 

2.3. Obligation de se conformer au modèle royal pour la noblesse ravalée au rang de courtisan 

insistance par les présentatifs c'étaient

C'était lui plaire que de s'y jeter

C'étaient des occasions pour qu'il parlât aux gens. 

utilisation de l'implicite => sinon non existence à ses yeux

2.4. En fait un véritable système

Le fond était qu'il tendait et parvint par là 

réussite rapide marquée par la coordination (projet => application réussie) à épuiser tout le monde en mettant le luxe en honneur, et pour certaines parties en nécessité, abandon du principe de distinction et du principe de la monarchie (cf Montesquieu) et réduisit ainsi peu à peu tout le monde à dépendre entièrement de ses bienfaits pour subsister. 

la noblesse féodale remplacée par le courtisan et les subsides royaux 

3. Elargissement et aggravation du phénomène : de la cour à l'ensemble de l'état

Il s'agit pour Saint-Simon de condamner la "grande confusion" : 

Métaphore filée dans le § : plaie => cancer =>ronge => communiqué => introduction qui ronge 

Gradation : Cour => Paris => Province => Armées à l'extérieur 

Le mérite = la prodigalité

La prodigalité entraîne la dépravation générale (en quelque place, ne...que, ceux d'un état, pour la plupart), le vol pour soutenir son rang 

4. Nouvelle gradation

un être exceptionnel, 

mais dans la richesse : Rien, jusqu'à lui... - qui les pourrait nombrer ? 

mais aussi dans le mauvais goût : orgueil, caprice, mauvais goût

Abandon des traditions, du château de St Germain en 1682 

Remarquer que 

Saint-Simon ne fait pas référence à la construction de Versailles! 

mais relève le peu de travaux à Paris !

=> un roi qui a affaibli l'image de marque de sa capitale. 

Conclusion

Une critique dure et un portrait du "portraitiste" 

un noble attaché aux traditions, à l'honneur féodal 

un homme qui n'apprécie guère le métier de courtisan 

un critique de l'absolutisme qui voudrait un retour à la puissance de la noblesse 


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