Analyse de "Heureux qui comme Ulysse" de Du Bellay

Analyse de "Heureux qui comme Ulysse" de Du Bellay

I) Un poème élégiaque

 

a) Un poème chargé d’émotions

 

Dans son sonnet "Heureux qui, comme Ulysse", Joachim Du Bellay exprime avec une intensité remarquable la nostalgie de son pays natal. Le deuxième quatrain du poème est particulièrement évocateur : “Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village / Fumer la cheminée, et en quelle saison / Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, / Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?”. Ces vers traduisent le profond regret de Du Bellay d'avoir dû quitter son village pour Rome, où il accompagnait son oncle, le cardinal Du Bellay. L'emploi de la question rhétorique souligne son état de délibération intérieure, tandis que la mention de sa "pauvre maison", qu'il valorise en la comparant à une province, met en lumière son attachement à la simplicité et à ses racines.

 

b) La référence aux héros de l’Antiquité

 

Du Bellay, en tant que membre éminent de la Pléiade, groupe de poètes français du XVIe siècle, fait référence aux héros de l'Antiquité pour souligner l'importance de cette période comme fondement de la civilisation européenne. Le premier quatrain du sonnet commence par "Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage". Ici, Du Bellay idéalise le périple d'Ulysse, omettant les nombreuses épreuves endurées par le héros. De même, en évoquant Jason dans "Ou comme cestuy-là qui conquit la toison", il présente une version édulcorée des aventures du héros. L'histoire de Jason, telle que rapportée dans "Les Métamorphoses" d'Ovide, est en réalité empreinte de tragédie, notamment à travers son utilisation de la magie noire et les conséquences désastreuses de ses choix amoureux. Du Bellay réinterprète ces mythes, les dépouillant de leur complexité tragique, pour mieux servir son propos élégiaque.

 

II) Une critique de Rome

 

a) Une opposition entre les quatrains et les tercets

 

Le sonnet de Du Bellay est structuré de manière à opposer les quatrains aux tercets, une caractéristique propre à cette forme poétique. Les quatrains établissent le cadre de son élégie, faisant référence à l'Antiquité pour justifier sa mélancolie et son sentiment d'exil. En revanche, les tercets développent une critique plus directe de la société romaine, établissant une comparaison entre la Touraine, région natale de Du Bellay, et Rome. Cette opposition structurelle entre les deux parties du sonnet renforce le contraste entre les idéaux et la réalité vécue par le poète.

 

b) Une opposition entre la France et Rome

 

Dans le deuxième quatrain, l'utilisation des rimes embrassées, centrées sur l'évocation de la France, confère à ces vers un sentiment de sécurité et de chaleur maternelle, contrastant avec l'image de Rome qui se dessine dans les tercets. L'opposition entre la France et Rome est accentuée par les césures à l'hémistiche dans le dernier tercet, soulignant la rupture entre ces deux mondes. Du Bellay suggère subtilement la supériorité morale de la France à travers des détails géographiques et culturels que le lecteur cultivé du XVIe siècle saurait apprécier et interpréter. Ce contraste entre les deux cultures met en lumière non seulement la nostalgie du poète pour sa terre natale, mais aussi une critique voilée de la société romaine, perçue comme décadente en comparaison de la simplicité et de la pureté de la vie en France.

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