Analyse de la leçon de linguistique dans La Leçon de Ionesco

Analyse de la leçon de linguistique dans La Leçon de Ionesco

Texte

LE PROFESSEUR - Toute langue, Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort...

L'ELEVE - Oh ! Oui, Monsieur, jusqu'à l'heure de ma mort... Oui, Monsieur...

LE PROFESSEUR - ...et ceci est encore un principe fondamental, toute langue n'est en somme qu'un langage, ce qui implique nécessairement qu'elle se compose de sons, ou...

L'ELEVE - Phonèmes...

LE PROFESSEUR - J'allais vous le dire. N'étalez donc pas votre savoir. Ecoutez, plutôt.

L'ELEVE - Bien, Monsieur. Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR - Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol par les ailes pour qu'ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds. Par conséquent, lorsque vous vous décidez d'articuler, il est recommandé, dans la mesure du possible, de lever très haut le cou et le menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez, ainsi, vous voyez...

L'ELEVE - Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR - Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez pas... Et d'émettre les sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à celle de vos cordes vocales. Comme ceci : regardez : "Papillon", "Euréka", "Trafalgar", "papi, papa". De cette façon, les sons remplis d'un air chaud plus léger que l'air environnant voltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber dans les oreilles des sourds qui sont les véritables gouffres, les tombeaux des sonorités. Si vous émettez plusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci s'agripperont les uns aux autres automatiquement, constituant ainsi des syllabes, des mots, à la rigueur des phrases, c'est-à-dire des groupements plus ou moins importants, des assemblages purement irrationnels de sons, dénués de tout sens, mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s'écrouler...

L'ELEVE - ... dans les oreilles des sourds.

LE PROFESSEUR - C'est ça, mais n'interrompez pas... et dans la pire confusion...Ou par crever comme des ballons. Ainsi donc, Mademoiselle...(L'Elève a soudain l'air de souffrir). Qu'avez-vous donc ? 

L'ELEVE - J'ai mal aux dents, Monsieur.

LE PROFESSEUR - Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu de choses. Continuons...

L'ELEVE, qui aura l'air de souffrir de plus en plus. - Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR - J'attire au passage votre attention sur les consonnes qui changent de nature en liaisons. Les f deviennent en ce cas des v, les d des t, les g des k et vice versa, comme dans les exemples que je vous signale : "trois heures, les enfants, le coq au vin, l'âge nouveau, voici la nuit".

L'ELEVE - J'ai mal aux dents.

LE PROFESSEUR - Continuons.

L'ELEVE - Oui.

 

Commentaire composé

Comment dans cette scène absurde, Ionesco met-il en scène le manque d’humanité du professeur ?

 

I) Le professeur, un personnage ridicule

Comique de mots et comique de gestes

           Le professeur se met en scène de manière ridicule en prononçant des met ridicules:”Comme ceci : regardez : "Papillon", "Euréka", "Trafalgar", "papi, papa".” de plus il en rajoute en extravagant ses gestes:”lorsque vous vous décidez d'articuler, il est recommandé, dans la mesure du possible, de lever très haut le cou et le menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez, ainsi, vous voyez…”

Il raconte n’importe quoi à son élève en inventant n'importe quoi ce qui permet aux lecteurs de ne pas prendre le professeur au sérieux  :”mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s'écrouler…”

L’incommunicabilité (le langage est impuissant à établir une communication) Refus d'écouter l’élève et d’enseigner

Le professeur est très désagréable avec son élève, il ne la laisse pas parler et se fiche de savoir si elle progresse ou pas:”J'allais vous le dire. N'étalez donc pas votre savoir. Ecoutez, plutôt.” il monopolise la parole et il fait un monologue:”Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez pas..”.Il refuse totalement que la fille s’exprime et il lui fait une remarque à chaque prise de parole:”C'est ça, mais n'interrompez pas... “ Il se moque de savoir si son élève comprend ou non et si elle va bien, la seule chose qui le préoccupe est de finir son cours:”J'ai mal aux dents, Monsieur” et il répond sans empathie “Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu de choses. Continuons…”

 

II) Une scène inquiétante

Signes annonciateurs du meurtre

Le professeur fait plusieurs allusions sur la fin de vie de son élève ce qui est très bizarre:”jusqu'à l'heure de votre mort..”,” voici la nuit". Il se moque totalement de son élève il donne aux lecteurs l’impression d’attendre juste la fin du cours pour la tuer, de plus il utilise des exemples très bizarres pour sa leçon:”"trois heures, les enfants, le coq au vin, l'âge nouveau, voici la nuit" le premier exemple peut nous faire penser au temps de vie restant de l’élève, le second que c’est encore un enfant donc les prochaines générations mais aussi tous les enfants qu’il a déjà assassiné, le troisième le coq peut servir de métaphore au fait qu’il découpe toute ses victimes en morceau surtout que le coq est un animal qui chante comme le sujet de sa leçon. 

                   

Le professeur représente la fin de l’humanité

Ce professeur représente la fin de l’humanité car il tue les prochaines générations et il ne leur apporte pas le savoir suffisant comme il devrait le faire pour qu’elles deviennent humaines. Ils refusent d’entendre ses élèves parler car il pense qu’ils ne servent à rien et il sait que dans tous les cas il va les tuer. On voit donc qu’il n’est pas mentalement humain, c’est un professeur frustré qui trouve comme seule  réponse la violence allant jusqu’au meurtre.

 


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