En quoi l'histoire représente-t-elle un savoir indispensable et une science impossible ?

En quoi l'histoire représente-t-elle un savoir indispensable et une science impossible ?

Le récit historique a mis longtemps à se dégager du mythe, de la religion et du roman. C’est une connaissance du passé humain lié à une méthode, elle a acquis son statut scientifique au XIXème siècle. Si l’histoire se situe entre la science et l’art, n’a-t-elle pas un statut original parmi les sciences humaines qui de toute manière ne peuvent se modeler sur les sciences de la nature. Paul Ricoeur dit : «  Nous attendons par conséquent de l’histoire qu’elle fasse accéder le passé à cette dignité de l’objectivité. »

Dans toute religion on explique l’origine de l’homme. Ce n’est pas le récit de ce qui a eu lieu autrefois, c’est une explication qui vaut pour tous les temps, qui est un objet de croyance et non de connaissance. Le récit légendaire a pour but de tracer un modèle exemplaire de l’humanité. Le romancier est un témoin de son époque qui est capable de fournir des renseignements à l’historien. L’historien s’adresse à un lecteur méfiant qui attend un récit du passé authentifié.

L’événement historique est singulier, l’histoire appartient au temps, son mouvement est irréversible. Donc il ne peut pas y avoir d’expérimentation et de lois, on ne peut pas faire de prévisions. De plus l’histoire n’est pas indépendante de l’historien. L’histoire est donc une reconstitution, une recréation liée à une rhétorique de l’écrivain qui fait revivre les événements du passé, c’est-à-dire qui doit organiser les événements de telle manière que le récit ait un sens pour le lecteur. Ce qui a fait dire à certains philosophes comme Raymond Aron dans Introduction à la philosophie de l’histoire : « L’historien appartient à l’histoire ». La subjectivité de l’historien n’est pas liée à une mémoire passionnelle, c’est une subjectivité de réflexion liée à la culture de son époque. L’histoire est une science difficile et même impossible selon certains philosophes.

Elle est pourtant indispensable. La vérité de l’historien n’est pas à chercher du côté de sa neutralité objective. Sans connaissance du passé, le présent serait inintelligible. Elle a un sens métaphysique, donne le sentiment d’appartenir à une même humanité. Nietzsche montre que l’histoire a une fonction de catharsis. Même si l’historien embellit le passé, l’histoire nous permet de prendre du recul par rapport au présent et nous donne de l’espoir. Ce qui a été possible autrefois l’est encore aujourd’hui. La connaissance du passé nous permet de ne pas être englué dans le présent, d’échapper au pathos parce qu’elle nous donne la force de faire des projets et de vaincre nos passions dit Nietzsche. Albert Camus montre qu’il y a une vertu pédagogique de l’histoire. Le journaliste doit s’inspirer de l’historien.

Les sciences humaines ne peuvent pas avoir les mêmes méthodes que les autres. Le sociologue allemand Dilthey dit : «  Nous expliquons la nature de l’extérieur, nous comprenons la vie psychique de l’intérieur : ressaisir les intentions des hommes du passé c’est particulier à l’anthropologie scientifique ». L’historien ne peut être objectif au sens où rien ne prouve absolument que le récit corresponde à la réalité, mais il peut être objectif en témoignant d’une volonté de vérité. Il y a des faits historiques liés à des milliers de témoignages qu’il serait malhonnête de nier. Il est dangereux de dissoudre l’idée de réalité historique au bénéfice de l’idée qu’il n’y en a que des interprétations.

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