L’écologie des idées

L’écologie des idées

Une œuvre précède et prépare les conditions historiques et sociologiques où elle sera comprise. « Toute règle sociale apparaît à la conscience de façon telle que son inversion négative se produise automatiquement avec sa formulation positive » (Thomson). Toutefois pour qu’un individu puisse jouir de ces conditions permissives, il faut qu’il ait pu bénéficier de chances multiples et multiformes ; c’est pourquoi il y a tant de petits Mozart qui n’ont jamais eu la possibilité de connaître le solfège et le piano. L’histoire ne connaît que les chanceux.

La « déviance intellectuelle » peut, avant de s’exprimer comme telle, être d’abord vécue comme anomie, sentiment d’être étranger chez soi, dans sa propre culture. « On constate souvent que les découvertes importantes ont été faites par des individus qui n’appartenaient pas à la branche spécialisée qu’ils ont renouvelée, ou qui ne savaient pas que, selon les avis autorisés, la découverte qu’ils venaient de faire était impossible » (Moscovici, 1966).

Même dans les conditions du travail dit « d’équipe », c’est toujours au départ un ou quelques individus qui transforment la découverte de faits nouveaux ou aberrants en révolution théorique. La sous-détermination psychologique peut résulter d’un affrontement de déterminations antagonistes dans un même esprit. Ce sont des conditions favorables aux hybridations et, plus créativement, aux synthèses. Ces  mêmes conditions peuvent susciter des contradictions internes, lesquelles stimulent la recherche, soit d’un métasystème de pensée permettant de les dépasser, soit d’une dialectique assumant les contradictions. L’auteur d’une révolution intellectuelle peut se trouver exclu du milieu culturel qui l’a nourri. Du coup, le penseur s’isole hors de l’intelligentsia.

« L’indétermination et le pouvoir créateur sont pleinement interrelationnés » disait Roman Jakobson.

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