Analyse linéaire de La Peau de Chagrin de Balzac, le Talisman, chapitre 1, le banquet chez Taillefer, Quelles relations les artistes et l'argent

Analyse linéaire de La Peau de Chagrin de Balzac, le Talisman, chapitre 1, le banquet chez Taillefer, Quelles relations les artistes entretiennent-ils avec l’argent ?

Texte

Avant de quitter les salons, Raphaël y jeta un dernier coup d’œil. Son souhait était certes bien complétement réalisé : la soie et l’or tapissaient les appartements, de riches candélabres supportant d’innombrables bougies faisaient briller les plus légers détails des frises dorées, et les somptueuses couleurs de l’ameublement ; les fleurs rares de quelques jardinières artistement construites avec des bambous, répandaient de doux parfums ; les draperies respiraient une élégance sans prétention ; il y avait en tout je ne sais quelle grâce poétique dont le prestige devait agir sur l’imagination d’un homme sans argent.

— Cent mille livres de rente sont un bien joli commentaire du catéchisme, et nous aident merveilleusement à mettre la morale en actions ! dit-il en soupirant. Oh ! oui, ma vertu ne va guère à pied. Pour moi, le vice c’est une mansarde, un habit râpé, un chapeau gris en hiver, et des dettes chez le portier. Ah ! je veux vivre au sein de ce luxe un an, six mois, n’importe ! Et puis après mourir. J’aurai du moins épuisé, connu, dévoré mille existences.

— Oh ! lui dit Émile qui l’écoutait, tu prends le coupé d’un agent de change pour le bonheur. Vas, tu serais bientôt ennuyé de la fortune en t’apercevant qu’elle te ravirait la chance d’être un homme supérieur. Entre les pauvretés de la richesse et les richesses de la pauvreté, l’artiste a-t-il jamais balancé ? Ne nous faut-il pas toujours des luttes, à nous autres ? Aussi, prépare ton estomac, vois, dit-il en lui montrant, par un geste héroïque, le majestueux, le trois fois saint, l’évangélique et rassurant aspect que présentait la salle à manger du benoît capitaliste. Cet homme-là, reprit-il, ne s’est vraiment donné la peine d’amasser son argent que pour nous.

Analyse

Raphaël se retrouve chez Taillefer à cause de son vœu qui l’a amené à rencontrer un ami, Emile, qui l' a invité à la soirée de Taillefer.

 

1er mouvement : un rêve de luxe

Le narrateur suggère le luxe de l'hôtel en utilisant le champ lexical du luxe et de la beauté : "soie", "frises dorées", "somptueuses couleurs", "fleurs rares".

 

2ème mouvement : la morale balayée par l’argent

Nous pouvons voir qu’ici le champ lexical de la religion est présent tout comme le champ lexical l’argent. L’emploi simultané et entremêlé de ces deux champs lexicaux nous fait comprendre que Raphaël voue un tel culte à l’argent qu’il est devenu son dieu.

Lors de cet extrait nous pouvons voir la jalousie, la frustration, l'envie de Raphaël.Il pense que ce qui l’a empêché d'atteindre ce luxe est le respect la morale qu'il considère presque comme responsable de tous ses malheurs : “Cent mille livres de rente sont un bien joli commentaire du catéchisme, et nous aident merveilleusement à mettre la morale en actions”. Ainsi, pour le personnage de Raphaël, le seul moyen de réussir dans la vie est de vendre son âme au diable et d’adopter une attitude sans foi ni loi. Les artistes honnêtes sont d’après lui voués à une vie de misère : “Pour moi, le vice c’est une mansarde, un habit râpé, un chapeau gris en hiver, et des dettes chez le portier.”

Raphaël souhaite vivre dans le luxe et l'opulence jusqu’à sa mort pour pouvoir vivre “mille existences”, cependant il ne se rend pas compte qu’il est en train de se maudire lui-même en exprimant un vœu : “Ah ! Je veux vivre au sein de ce luxe un an, six mois, n’importe ! Et puis après mourir.” Raphaël aurait dû suivre le conseil de l’antiquaire : “Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais Savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme”.

 

3ème mouvement : L’artiste et l’argent

Le chiasme : “Entre les pauvretés de la richesse et les richesses de la pauvreté” signifie qu'à la richesse morale correspond la pauvreté matérielle et qu’inversement la richesse matérielle entraîne une pauvreté morale. Pour Emile, l’artiste doit accepter la pauvreté car il doit privilégier le monde des idées, la liberté d’expression et donc la morale. Pour Emile, l’artiste a besoin de luttes perpétuelles pour alimenter son inspiration et sa créativité : “Ne nous faut-il pas toujours des luttes, à nous autres ?” Il oppose à l’artiste le bourgeois capitaliste qui s’enrichit en s’affranchissant de la morale. Emile se méfie de l’argent car il peut corrompre l’artiste qui vit dans la misère, il faut donc savoir s’en protéger en gardant ses distances.

 

Le romancier pense que la place de l'argent est si grande qu'elle éclipse la morale. L’avènement de la bourgeoisie capitaliste plonge la société parisienne dans la luxure et la débauche.



Introduction

 

Dans "La Peau de chagrin", roman emblématique d'Honoré de Balzac paru en 1831, la question fondamentale est celle du bonheur et des sacrifices consentis pour l'atteindre. À travers le personnage de Raphaël de Valentin, un jeune homme désespéré au bord du suicide, Balzac explore les limites de la quête humaine du bonheur. La rencontre de Raphaël avec un antiquaire mystérieux, gardien d'un univers fantastique, marque le début d'une série d'événements extraordinaires. Après avoir acquis la peau de chagrin, objet magique qui exauce ses vœux au prix de sa vie, Raphaël est invité par son ami Emile à un banquet chez Taillefer, un riche banquier. Ce passage est crucial, car il illustre le premier souhait de Raphaël devenant réalité et offre une peinture vive des travers de la société de l'époque.

 

I. Une fête placée sous le signe du luxe

 

Raphaël, caractérisé par sa pauvreté en début de roman, est soudainement plongé dans un univers de richesse et de splendeur. Ce contraste est souligné par l'emploi de l'imparfait descriptif et la progression spatiale de Raphaël dans le lieu, éveillant tous ses sens.

 

1. La richesse

 

Le luxe est omniprésent dans cette scène, marqué par un champ lexical opulent : "riche", "luxe", "dorures". On distingue plusieurs aspects de cette richesse :

- Son caractère exceptionnel, souligné par la répétition de "rare".

- Le raffinement, illustré par des éléments comme "dorures", "frises dorées", "candélabres".

- L'abondance, exprimée par des hyperboles telles que "innombrables", "des caisses de fleurs".

- L'omniprésence de cette richesse, dès les escaliers et le péristyle.

- Le cadre somptueux, avec des termes comme "péristyle", "vaste salle à manger", "les appartements", "les salons".

 

2. Tous les sens sollicités

 

Les verbes de perception ("embaumaient", "resplendissait", "verdissait") évoquent une sollicitation de l'odorat (parfums, fleurs) et de la vue (fleurs, jardinières, bambou).

 

3. Une société idéale

 

Raphaël se sent "renaître" dans ce milieu, signe de son bien-être. La société présente est idéalisée : artistes, savants, notaires, tous qualifiés par un vocabulaire mélioratif ("talent", "audacieux", "célèbre"). Cette société valorise les arts, la connaissance, la science, et semble représenter un idéal.

 

Transition : Ce passage marque pour Raphaël l'entrée dans un monde nouveau, mais il s'agit également d'une critique subtile de la société mondaine, dépeinte comme un univers d'illusion et d'hypocrisie.

 

II. Une vive critique de la société mondaine

 

1. Des êtres mal intentionnés et qui manquent d'éducation

 

Sous des apparences séduisantes, les invités révèlent leur nature véritable : ambition démesurée, malveillance, calcul et manipulation. Le "jugeur" incarne un manque flagrant d'éducation, souligné par une série de comportements inappropriés.

 

2. Les faux-semblants

 

La société décrite semble être une façade, où les qualités sont simulées. Les talents sont remis en question, les gestes et paroles sont calculés, révélant une atmosphère de représentation plutôt que d'authenticité.

 

3. Le regard ironique du narrateur

 

Le narrateur, à travers Emile et d'autres personnages, porte un regard moqueur sur cette société. L'utilisation du terme "amphitryon" et la description ironique des invités soulignent cette critique. Balzac lui-même semble s'amuser à dépeindre ces travers, jouant avec les mots pour souligner l'incomplétude et la superficialité de ses personnages.

 

Conclusion

 

Ce banquet chez Taillefer est un moment clé pour Raphaël, où son premier vœu se réalise pleinement. Cependant, Balzac utilise ce cadre pour offrir une critique acérée de la société de son époque, dévoilant un monde d'hypocrisie et d'illusion. Ce passage enrichit la réflexion sur le bonheur, suggérant que la véritable richesse réside dans l'authenticité de l'être, plutôt que dans l'apparence et le paraître.

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Commentaires: 2
  • #1

    stefano (vendredi, 23 septembre 2022 00:19)

    Très bien construit

  • #2

    jana (lundi, 28 novembre 2022 17:09)

    quelle problematique peut on associer a se texte ?