Analyse de La cloche fêlée de Baudelaire

Analyse de La cloche fêlée de Baudelaire

Commentaire composé

Le sonnet de Baudelaire que tu évoques illustre avec force le concept de spleen, cet état de mélancolie profonde et de désespoir qui imprègne une grande partie de son œuvre. L'opposition entre la cloche et le poète sert de métaphore pour explorer les thèmes de la souffrance, de la solitude et de la lutte intérieure.

 

I) Le spleen

 

Les sonorités du poème jouent un rôle crucial dans la transmission du spleen. Les allitérations en [r] et [s] créent une atmosphère oppressante, où le [r] symbolise la difficulté et le [s] la souffrance et la mort. L’oxymore “II est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,” capture parfaitement la dualité du spleen : une douleur qui est à la fois cruelle et familière. L'hiver, avec son association à la mort et à la solitude, renforce cette sensation de désespoir.

 

La comparaison entre la cloche “vigoureuse” et l’âme “fêlée” du poète est frappante. Alors que la cloche, malgré son âge, retentit avec force, l’âme du poète, bien que jeune, est brisée et incapable de s’exprimer pleinement. Cette métaphore de la cloche fêlée illustre la solitude du poète et son incapacité à trouver un écho dans le monde qui l'entoure.

 

La description de la voix du poète comme “affaiblie” et comparée au “râle épais d'un blessé qu'on oublie” est particulièrement poignante. La césure à l’hémistiche met en exergue le mot “sang”, accentuant l’horreur de la scène. Le poète se dépeint comme un mourant, luttant en vain dans un monde indifférent.

 

II) Le symbolisme

 

Le sonnet utilise des rimes croisées pour symboliser l’opposition et l’adversité. Baudelaire se confronte à la fois à Dieu, représenté par la cloche d’église, et à lui-même, dans son état de profonde détresse. L’image du feu “qui palpite et qui fume” contraste avec le froid intérieur du poète, renforçant l’idée d’un spleen qui consume de l’intérieur.

 

Les souvenirs “qui lentement s'élèvent” au son des carillons dans la brume évoquent une tentative désespérée du poète de se raccrocher à son passé. La brume symbolise la confusion et l’incertitude, tandis que l’enjambement souligne l’effort du poète pour retenir ces souvenirs qui s’échappent.

 

La cloche, avec son “cri religieux”, est comparée à “un vieux soldat qui veille sous la tente”, une métaphore de la vigilance et peut-être de la futilité de la lutte contre les forces inexorables de la vie et de la mort. Le poète, identifié à ce soldat mourant, semble engagé dans un combat perdu d’avance contre la vie.

 

L’enjambement des derniers vers suggère l’urgence et la précipitation des derniers moments du poète, comme s’il luttait pour exprimer ses pensées avant que la mort ne l’emporte. Cette structure renforce l’idée d’une lutte désespérée contre l’inéluctabilité de la mort.

 

Dans son ensemble, ce sonnet de Baudelaire capture avec une intensité poignante l’essence du spleen, ce sentiment d’angoisse existentielle qui caractérise une grande partie de son œuvre. La cloche, à la fois symbole de constance et de rappel religieux, contraste avec la fragilité et la désolation du poète, créant une puissante métaphore de la lutte intérieure contre la mélancolie et le désespoir.


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