Lecture analytique de La Peau de chagrin de Balzac, La femme sans coeur, chapitre 2, Comment Raphaël a-t-il dilapidé son énergie ?

Lecture analytique de La Peau de chagrin de Balzac, La femme sans coeur, chapitre 2, Comment Raphaël a-t-il dilapidé son énergie ?

Texte

Depuis l’âge de raison jusqu’au jour où j’eus terminé ma théorie, j’ai observé, appris, écrit, lu sans relâche, et ma vie fut comme un long pensum. Amant efféminé de la paresse orientale, amoureux de mes rêves, sensuel, j’ai toujours travaillé, me refusant à goûter les jouissances de la vie parisienne. Gourmand, j’ai été sobre ; aimant et la marche et les voyages maritimes, désirant visiter plusieurs pays, trouvant encore du plaisir à faire, comme un enfant, ricocher des cailloux sur l’eau, je suis resté constamment assis, une plume à la main ; bavard, j’allais écouter en silence les professeurs aux Cours publics de la Bibliothèque et du Muséum ; j’ai dormi sur mon grabat solitaire comme un religieux de l’ordre de Saint-Benoît, et la femme était cependant ma seule chimère, une chimère que je caressais et qui me fuyait toujours ! Enfin ma vie a été une cruelle antithèse, un perpétuel mensonge. Puis jugez donc les hommes ! Parfois mes goûts naturels se réveillaient comme un incendie longtemps couvé. Par une sorte de mirage ou de calenture, moi, veuf de toutes les femmes que je désirais, dénué de tout et logé dans une mansarde d’artiste, je me voyais alors entouré de maîtresses ravissantes ! Je courais à travers les rues de Paris, couché sur les moelleux coussins d’un brillant équipage !

Analyse

Dans ce passage, Raphaël devient le narrateur de son passé. 

 

1er mouvement : Un travail acharné 

Nous pouvons voir que Raphaël a travaillé dur dans la phrase : “j’ai observé, appris, écrit, lu sans relâche, et ma vie fut comme un long pensum”.  Le rythme de la phrase est constant et rapide, ne laissant pas respirer le lecteur, comme on le voit avec l’enchaînement des verbes au participe passé qui ont un aspect accompli et le dernier verbe “fut” au passé simple qui rejette cette période de la vie de Raphaël dans un passé lointain et désormais inaccessible.

 

2ème mouvement : Le naturel brimé

La figure de style principale de ce mouvement est l'antithèse car Raphaël a dépensé son énergie à nier sa propre nature : “Gourmand, j’ai été sobre”, et de fait il ne vivait pas de façon harmonieuse : “Enfin ma vie a été une cruelle antithèse, un perpétuel mensonge”. Balzac veut, par son roman La Peau de chagrin, enseigner au lecteur la mesure et la pondération qui sont pour lui les conditions indispensables au bonheur. Or, le personnage de Raphaël passe d’un extrême à l’autre, ce qui ne manque pas de consumer sa vie et de le mener à sa perte.

Les traits caractéristiques de Raphaël au naturel sont romantiques : “Gourmand”, rêveur, “bavard”, amoureux de la nature, et amoureux des femmes.

Les deux images : “une cruelle antithèse, un perpétuel mensonge” produisent une impression de souffrance du personnage qui se brime au point de passer à côté de sa vie.

 

3ème mouvement : Le mirage de la gloire

Les hallucinations de Raphaël sont liées à sa frustration car Raphaël s'est privé de tous les plaisirs pour se consacrer entièrement à son travail. De tous les désirs inassouvis de Raphaël, le plus fort  est celui des femmes : “La femme était cependant ma seule chimère, une chimère que je caressais et qui me fuyait toujours”. Raphaël emploie la modalité affirmative pour dire un fait et la modalité exclamative pour montrer sa souffrance et la force de l'illusion qui finit toujours par disparaître, le laissant épuisé comme s’il menait une double vie puisque sa vie nocturne l’épuise au lieu de le reposer, comme le personnage de Romuald dans La Morte amoureuse de Théophile Gautier.

 

Conclusion :

Ces longues années d'études qui devaient être normalement bénéfiques à Raphaël ne lui ont apporté que de la frustration et ont fini par le conduire à un épuisement moral et physique qui l’ont conduits à envisager le suicide. Raphaël a voulu faire de trop nombreuses expériences sensorielles en même temps, passant sans transition de l'excès de travail à des plaisirs nocturnes extrêmes qui finiront par épuiser totalement son énergie vitale.


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