Analyse du Père Goriot de Balzac

Analyse du Père Goriot de Balzac

Analyse de l'incipit du Père Goriot

Du début à «sont l'objet des craintes annuelles de madame Vauquer et de ses conversations avec les pensionnaires.»

De quelle manière cet incipit installe t-il une intrigue réaliste ?

I) Le questionnement de l'écriture romanesque 

a) La réflexion de l'auteur 

Tout d'abord dans cet incipit l'auteur se questionne sur son récit. Il se pose des questions: “Sera-t-elle comprise au-delà de Paris?”. Il s'interroge également sur le sens littéraire du mot “drame”, “non que cette histoire soit dramatique dans le sens vrai du mot”. Balzac se pose des questions sur les mots qu'ils emploient et sur la compréhension de l'œuvre par les lecteurs. De plus il utilise le champ lexical du doute : “doute”, “peut être”. Cela montre une nouvelle fois que l'auteur réfléchit sur son roman. Nous pouvons remarquer plusieurs marques de subjectivité au cours de cet incipit, Balzac intervient : “En quelque discrédit que soit tombé le mot drame par la manière abusive et tortionnaire dont il a été prodigué”, Balzac donne son avis sur l'histoire. Il utilise également la négation à plusieurs reprises : “ne s'y était-il jamais vu de jeune personne”, “Un Parisien égaré ne verrait là que des pensions”. 

Au cours de cet incipit l'auteur s'interroge de différentes façon sur son récit et va même interpelle le lecteur. 

 

b) L’interpellation du lecteur 

Balzac interpelle donc le lecteur en utilisant notamment la seconde personne du pluriel : “Ainsi ferez-vous, vous qui tenez ce livre d'une main blanche, vous qui vous enfoncez dans un moelleux fauteuil”. Il s'adresse également au lecteur par des questions rhétoriques : “Qui décidera de ce qui est plus horrible à voir, ou des coeurs desséchés, ou des crânes vides?”, il l'amène à lui aussi se questionner sur la construction récit et des personnages. 

Balzac interpelle encore le lecteur quand il parle de Voltaire: “Sous le socle, cette inscription à demi effacée rappelle le temps auquel remonte cet ornement par l'enthousiasme dont il témoigne pour Voltaire, rentré dans Paris en 1777:  Qui que tu sois, voici ton maître:

Il l'est, le fut, ou le doit être.” 

Dans cet extrait l'auteur choisit à plusieurs reprises de parler au lecteur pour l'inviter à réfléchir sur son œuvre. 

 

II) Un incipit réaliste

a) Le cadre parisien

Balzac fait un incipit réaliste, il fait un récit dans un cadre parisien, avec beaucoup de références à des rues, monuments de Paris: “Panthéon”, “rue Sainte geneviève”, “dôme du Val de grâce”. Il renforce la réalité par des noms de rues précis, qui se trouve dans la capitale. Balzac fait une description péjorative de ce lieu et ne donne pas envie au lecteur d'y s'y rendre : “A la nuit tombante, la porte à claire-voie est remplacée par une porte pleine.” L'auteur donne son avis sur les lieux et les personnages de récit, la ville de Paris est ainsi à l'image des parisiens, sans cœur et pleins de vices. 

Il accentue la réalité en donnant énormément de détails sur le récit : “une vieille femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve-Sainte-Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint-Marceau”. Les auteurs réalistes donnent beaucoup de détails pour rendre leur récit plus vraisemblable. 

 

b) Une description vraisemblable 

Il essaie de donner un maximum de détails en utilisant des adjectifs : “des jeunes gens, des vieillards”, “aussi large que la façade est longue”. Il emploie également des verbes d'état. Dans cet incipit la vue est très importante, avec de nombreuses couleurs: “marbre vert”. Il donne de nombreuses indications de lieu mais aussi de temps: “la nuit”, “1819” et des repères géographiques. L’endroit n'est pas sûr car ils sont obligés de se barricader la nuit : “A la nuit tombante, la porte à claire-voie est remplacée par une porte pleine”. 

 

III) Un incipit qui remplit ses fonctions narratives

a) Ancrage dans l'univers romanesque

Balzac ancre son récit dans l'univers romanesque car nous pouvons remarquer la présence d'un cadre spatio-temporel, avec des indications de lieu vue plus haut. Des informations sur le temps et l'endroit du récit. Plusieurs personnages sont également présentés. Le narrateur omniscient utilise l’imparfait, temps habituel de la description, pour raconter son histoire, l'imparfait : “était”, “trouvait”.

 

b) Un incipit séduisant

Balzac fait supposer au lecteur un récit palpitant qui va le faire rire et pleurer: “mais, l'oeuvre accomplie, peut-être aura-t-on versé quelques larmes intra muros et extra”. Il emploie également le conditionnel et le futur: “ne verrait là”. On peut remarquer une prolepse, le narrateur évoque sans les nommer les personnages principaux puisque Rastignac sera transformé au contact du Père Goriot : “ Cependant il s'y rencontre çà et là des douleurs que l'agglomération des vices et des vertus rend grandes et solennelles: à leur aspect, les égoïsmes, les intérêts, s'arrêtent et s'apitoient; mais l'impression qu'ils en reçoivent est comme un fruit savoureux promptement dévoré.”

Balzac va même créer du suspense dans cet incipit : “un Parisien égaré n'y verrait que la des pensions bourgeoises ou des institutions [...] de la joyeuse jeunesse contrainte à travailler”.

L'odeur de pension

De «Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu'il faudrait appeler  l'odeur de pension» à «il faudrait en faire une description qui retarderait trop l'intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas.»

 

Comment cette description réaliste faite à travers les yeux d’un narrateur omniscient fortement impliqué permet-elle à Balzac de faire progresser l’intrigue de son roman ?

 

I) Une description réaliste

1) La tonalité péjorative

 “Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d'une salle où l'on a dîné;” : Nous observons une métaphore de la mort avec une description qui évoque la maladie et l’agonie et se termine par le décès souligné par l’aspect accompli du passé simple “où l’on a diné” qui suggère que l’on ne dînera plus.

 “Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd'hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres.” : Le narrateur fait une description péjorative du lieu.

 “Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d'assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque pensionnaire.” : La figure de l’accumulation montre le désordre qui règne dans la pièce, ainsi que l’absence totale d’harmonie.

 

2) La sensation physique des lieux

 “qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres.” : La description de la crasse est tellement précise que l’on a l’impression que l’on va se salir en lisant la page.

 La description est à la fois visuelle, olfactive “elle pue” et gustative : “elle a le goût d'une salle où l'on a dîné”.

 

 II) La présence du narrateur

1) L’ironie

 “Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu'il faudrait appeler  l'odeur de pension.” : La description est faite du point de vue d’un narrateur omniscient fortement impliqué qui utilise l’ironie pour souligner le caractère unique et indescriptible de la pièce.

 “Peut-être pourrait-elle se décrire si l'on inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires et nauséabondes qu'y jettent les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou vieux.” : Le narrateur emploie l’adverbe “peut-être” pour indiquer que c’est une supposition qu’il fait car il veut montrer que c’est indescriptible.

 “Eh bien ! malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l'être un boudoir.” : L’ironie est ici à son comble puisqu’un boudoir est une pièce très chaleureuse et intime. L’interjection montre la forte implication du narrateur.

 “des gravures exécrables qui ôtent l'appétit” : On voit ici un jugement du narrateur qui estime inacceptable le mauvais goût de la mère Vauquer.

 “il faudrait en faire une description qui retarderait trop l'intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas.” : Prétérition.

 

2) La compassion

 “ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant” : Cette phrase décrit plus particulièrement le personnage du Père Goriot qui suscite la pitié du narrateur et du lecteur.

 “les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou vieux.” : Le narrateur éprouve de la compassion pour ces personnages malades de pauvreté.

 “placés là comme le sont les débris de la civilisation” : On a oublié les pensionnaires qui n’existent plus aux yeux de la société.

 

 III) La fonction de la description dans le récit

1) L’influence du milieu social

 “Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d'assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses” : Quand on est pauvre on est voué à une vie d’échecs, de misère et de famine “échancrées”, de crasse “buffets gluants”, de maladie “tachées” (de crachat de tuberculose), d’alcool “vineuses”.

 “les débris de la civilisation” : Les pauvres sont rejetés par la société.

 

2) Une métaphore de la vie des personnages

 “elle pue le service, l'office, l'hospice.” : On voit dans cette phrase, une accumulation d’adjectifs fortement péjoratifs. La phrase se termine par une allitération en [s] qui évoque la pauvreté, la souffrance. Ici, nous observons une prolepse de la fin de vie, et de la mort du Père Goriot qui sera abandonné par ses filles, délaissé, mourra dans la solitude et la misère avec comme seule compagnie Rastignac et son ami.

 “Peut-être pourrait-elle se décrire si l'on inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires et nauséabondes qu'y jettent les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou vieux.” : Tous les pensionnaires sont malades : Rastignac est malade d’ambition, le Père Goriot est malade d’amour pour ses filles, madame Vauquer souffre d’obésité et d’une avarice maladive.

 “Il s'y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la civilisation aux Incurables.” : On pourrait croire que les personnages se trouvent là par hasard car ils ont tous des parcours très différents, mais ils se retrouvent tous, en ayant comme point commun la misère.

 “des chaises estropiées, de petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule toujours sans se perdre jamais, puis des chaufferettes misérables à trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se carbonise.” :  Ce sont les personnages qui sont estropiés, en piteux état, troués (en particulier le coeur du Père Goriot percé comme le Sacré coeur de Jésus) et qui se consument de l’intérieur à force de souffrir. 

L’entrée dans le monde

De «Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez» à «des manigances infernales».

 

En quoi Vautrin est-il un mentor paradoxal ?

 

I) Une vision inquiétante

Tout d’abord, on remarque que les relations entre les hommes et les femmes sont très différents de celles de notre époque : les femmes sont ici sous-estimées par les hommes et maintenues dans une situation d’infériorité (“Vous avez saigné vos sœurs. Tous les frères flouent plus ou moins leurs sœurs”). Vautrin présente dans cet extrait les femmes d’une manière vénale : “Vous verrez des femmes se prostituer pour aller dans la voiture du fils d'un pair de France”. Cet exemple nous montre que la société du XIXème siècle maintenait les femmes dans des métiers mal payés comme couturière ou blanchisseuse ; les femmes ambitieuses n’avaient pas d’autres possibilités que de chercher un mari ou un amant fortuné qui pourrait les entretenir. 

Par ailleurs, les champs lexicaux de l’argent (“parvenir à tout prix”, “l'argent”, “quinze cents francs”, “de pièces de cent sous”, “fortune”, “ six mille francs”, “dix mille francs”, “douze cents francs”, “ acheter des terres”, “payer la lettre”, “cinquante mille livres de rente”) et  de la violence (“Vous avez saigné vos sœurs”, “arrachés”, “l'acharnement du combat”, “Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot”, “Il faut entrer dans cette masse d'hommes comme un boulet de canon, ou s'y glisser comme une peste”) créent un sentiment d’inquiétude à la fois chez Rastignac et chez le lecteur. A la fin de son discours Vautrin parle de “manigances infernales”. Vautrin pense que l’on ne peut pas s’élever dans la société de façon honnête et que l’argent passe avant les sentiments : “L'on plie sous le pouvoir du génie, on le hait, [...] on l'adore à genoux quand on n'a pas pu l'enterrer sous la boue” et “La corruption est en force”.

 

II) Une volonté de transmission (Balzac parle à travers le personnage de Vautrin)

Vautrin utilise des questions rhétoriques (“Savez-vous comment on fait son chemin ici ? par l'éclat du génie ou par l'adresse de la corruption”), il montre sa supériorité à Rastignac, il impose son savoir et se positionne comme un mentor. Il dresse une description réaliste de la société parisienne ; il parle en effet des différences entre les hommes et les femmes, des relations au sein de la famille et au niveau des classes sociales : “qui peut courir à Longchamp sur la chaussée du milieu”. Vautrin a beau être un assassin, il est dans ce passage très sincère et donne de bons conseils à Rastignac. 

 

III) Un roman d’apprentissage

Ce passage est typique du roman d’apprentissage car Vautrin donne une leçon de vie à Rastignac. Ces deux personnages sont très stéréotypés : Vautrin représente le mentor et Rastignac le jeune homme en cours de formation. Eugène sera tiraillé entre Vautrin le tentateur, figure du diable dans ce roman, et le Père Goriot, figure christique qui lui apprendra le pouvoir de l’amour inconditionnel et du sacrifice. Rastignac est jeune et a encore beaucoup à apprendre puisqu’il a commis des erreurs de jeunesse : il est allé dans un salon où il a été tenté par le luxe (“vous y avez flairé le luxe”), puis chez Delphine où il s’est laissé séduire par sa beauté (“vous y avez flairé la Parisienne”), et enfin, il a volé ses soeurs sans aucun regret (“Vous avez saigné vos sœurs”).

Analyse du portrait du Père Goriot

De «Il devint progressivement maigre ; ses mollets tombèrent» à «un état méditatif que ceux qui l'observaient superficiellement prenaient pour un engourdissement sénile dû à son défaut d'intelligence.»

 

Comment la description réaliste du père Goriot illustre-t-elle sa vie pathétique ?

 

I-Une description réaliste

 

 “Il devint progressivement maigre ; ses mollets tombèrent [...] se rida démesurément ; son front se plissa, sa mâchoire se dessina.” : Balzac nous fait une description réaliste dans le sens où on arrive à imaginer le corps du Père Goriot avec un point de vue médical.

 “semblait être un septuagénaire hébété, vacillant, blafard” : Le narrateur omniscient a le souci du détail et de la précision.

 “et leur bordure rouge semblait pleurer du sang” : A force de pleurer, le Père Goriot a une inflammation oculaire.

 “Aux uns, il faisait horreur ; aux autres, il faisait pitié.” : Le narrateur utilise un rythme binaire pour montrer que les avis au sujet du Père Goriot sont partagés.

 “De jeunes étudiants en médecine, ayant remarqué l'abaissement de sa lèvre inférieure et mesuré le sommet de son angle facial, le déclarèrent atteint de crétinisme, après l'avoir longtemps houspillé sans en rien tirer.”: Le narrateur utilise des termes scientifiques pour dire que le Père Goriot n’arrive plus à sourire et que son visage ne tient aucune expression. Les étudiants en médecine semblent lui faire passer une visite médicale.

 

 II-L’empreinte d’une vie pathétique

 

 “sa figure, bouffie par le contentement d'un bonheur bourgeois, se rida démesurément” : On nous apprend que le Père Goriot était heureux et riche mais que petit à petit il devient pauvre, vieux et malheureux.

 “Durant la quatrième année de son établissement rue Neuve Sainte-Geneviève, il ne se ressemblait plus.” : On apprend ici que ça fait déjà quatre ans que le Père Goriot vie ici et qu’au fur et à mesure du temps sa santé s’est tellement dégradé qu’on ne le reconnait plus, il devient quelqu’un d’autre.

 “Le bon vermicellier de soixante-deux ans qui ne paraissait pas en avoir quarante, le bourgeois gros et gras, frais de bêtise, dont la tenue égrillarde réjouissait les passants, qui avait quelque chose de jeune dans le sourire, semblait être un septuagénaire hébété, vacillant, blafard.”: Autrefois le père Goriot était quelqu’un d’actif puisqu’il est qualifié par sa profession, riche et bien portant car il mangeait bien, joyeux et élégant donc il paraissait moins que son âge ; aujourd’hui il est plutôt pauvre car il n’a même plus de quoi se payer à manger, il est devenu maigre et a l’air d’être plus vieux qu’il ne l’est vraiment à cause de sa mauvaise santé.

 “Ses yeux bleus si vivaces prirent des teintes ternes et gris-de-fer, ils avaient pâli, ne larmoyaient plus, et leur bordure rouge semblait pleurer du sang”: Il a tellement pleuré que ses yeux ont perdu leur couleur comme le linge qu’on a trop lavé, il n’arrive plus à pleurer parce qu’il aurait pleuré toutes les larmes de son corps. La métaphore pathétique des larmes de sang évoque le futur du Père Goriot qui va mourir de chagrin, c’est donc une prolepse.

 “le déclarèrent atteint de crétinisme, après l'avoir longtemps houspillé sans en rien tirer.” : Le Père Goriot est tellement malheureux que les moqueries ne lui font plus rien, il ne réagit plus.

 “Un soir, après le dîner, madame Vauquer lui ayant dit en manière de raillerie "Eh bien ! Elles ne viennent donc plus vous voir, vos filles ?" en mettant en doute sa paternité, le père Goriot tressaillit comme si son hôtesse l'eût piqué avec un fer.” : Le Père Goriot est blessé par la remise en cause de sa paternité par madame Vauquer qui insinue que les deux belles jeunes femmes qui lui ont rendu quelques rares visites seraient des prostituées. En effet même si elles le font souffrir, le Père Goriot est très fier de ses filles qui sont très belles, élégantes et richement parées. Elles sont tout ce qui lui reste donc il peut tout endurer sauf qu’on se moque de ses filles ou de sa paternité. Les étudiants enfoncent le clou dans le coeur du Père Goriot : “"Ah ! Ah ! Vous les voyez encore quelquefois ! s'écrièrent les étudiants. Bravo, père Goriot !"”

 “"Elles viennent quelquefois", répondit-il d'une voix émue.” : Le narrateur nous montre le désespoir du Père Goriot qui déplore les trop rares visites de ses filles. Il souffre tant qu’il en vient à se déconnecter du réel et des remarques blessantes des autres pensionnaires : “Mais le vieillard n'entendit pas les plaisanteries que sa réponse lui attirait, il était retombé dans un état méditatif que ceux qui l'observaient superficiellement prenaient pour un engourdissement sénile dû à son défaut d'intelligence.”

Analyse du portrait de Vautrin

De «Entre ces deux personnages et les autres, Vautrin, l’homme de quarante ans» à «et qu’il y avait au fond de sa vie un mystère soigneusement enfoui.»

 

Comment Balzac entretient-il le mystère autour de ce personnage effrayant ?

 

Vautrin apparaît comme une bête puissante, poilue et diabolique puisque le roux est une couleur associée au diable et aux sorcières : “Il avait les épaules larges, le buste bien développé, les muscles apparents, des mains épaisses, carrées et fortement marquées aux phalanges par des bouquets de poils touffus et d’un roux ardent.”

“Sa figure, rayée par des rides prématurées, offrait des signes de dureté que démentaient ses manières souples et liantes.” : on voit que c’est un hypocrite.

“Sa voix d taille, en harmonie avec sa grosse gaieté, ne déplaisait point. Il était obligeant et rieur.” : il est serviable pour mieux dissimuler sa véritable identité de forçat.

“Si quelque serrure allait mal, il l’avait bientôt démontée, rafistolée, huilée, limée, remontée, en disant : Ça me connaît.” : il sait démonter les serrures puisqu’il a réussi à s’évader du bagne de Toulon, on peut y voir l’ironie du narrateur.

“Il connaissait tout d’ailleurs, les vaisseaux, la mer, la France, l’étranger, les affaires, les hommes, les événements, les lois, les hôtels et les prisons.” : il connaît tout cela justement parce que c’est un évadé en fuite. Les autres personnages devraient avoir la puce à l’oreille.

“Si quelqu’un se plaignait par trop, il lui offrait aussitôt ses services. Il avait prêté plusieurs fois de l’argent à madame Vauquer et à quelques pensionnaires” : c’est un usurier.

 “mais ses obligés seraient morts plutôt que de ne pas le lui rendre, tant, malgré son air bonhomme, il imprimait de crainte par un certain regard profond et plein de résolution. À la manière dont il lançait un jet de salive, il annonçait un sang-froid imperturbable qui ne devait pas le faire reculer devant un crime pour sortir d’une position équivoque. Comme un juge sévère, son œil semblait aller au fond de toutes les questions, de toutes les consciences, de tous les sentiments.” : malgré ses efforts pour paraître sympathique, le personnage de Vautrin (qui représente le Diable dans le roman Le Père Goriot), dégage une impression dangereuse qui imprime la peur et le malaise chez les autres personnages.

“Ses mœurs consistaient à sortir après le déjeuner, à revenir pour dîner, à décamper pour toute la soirée, et à rentrer vers minuit, à l’aide d’un passe-partout que lui avait confié madame Vauquer. Lui seul jouissait de cette faveur.” : Vautrin règne par la terreur sur le petit monde de la pension. 

“Mais aussi était-il au mieux avec la veuve qu’il appelait maman en la saisissant par la taille, flatterie peu comprise ! La bonne femme croyait la chose encore facile, tandis que Vautrin seul avait les bras assez longs pour presser cette pesante circonférence.” : l’ironie du narrateur à l’égard de l’obésité de madame Vauquer qui représente son avarice, vient détendre l’atmosphère inquiétante autour du personnage de Vautrin.

“Un trait de son caractère était de payer généreusement quinze francs par mois pour le gloria qu’il prenait au dessert. Des gens moins superficiels que ne l’étaient ces jeunes gens emportés par les tourbillons de la vie parisienne, ou ces vieillards indifférents à ce qui ne les touchait pas directement, ne se seraient pas arrêtés à l’impression douteuse que leur causait Vautrin.” : le narrateur omniscient cultive le mystère et l’inquiétude liées au personnage de Vautrin.

“Il savait ou devinait les affaires de ceux qui l’entouraient, tandis que nul ne pouvait pénétrer ni ses pensées ni ses occupations.” : c’est le Diable donc il peut lire dans les pensées des autres personnages.

“Quoiqu’il eut jeté son apparente bonhomie, sa constante complaisance et sa gaieté comme une barrière entre les autres et lui, souvent il laissait percer l’épouvantable profondeur de son caractère.” : le caractère diabolique de Vautrin est encore souligné ici.

“Souvent une boutade digne de Juvénal, et par laquelle il semblait se complaire à bafouer les lois, à fouetter la haute société, à la convaincre d’inconséquence avec elle-même, devait faire supposer qu’il gardait rancune à l’état social, et qu’il y avait au fond de sa vie un mystère soigneusement enfoui.” : si les pensionnaires étaient plus malins ils auraient vu que Vautrin est un bagnard en fuite car il sème énormément d’indices à travers son comportement étrange.

Le face à face entre Eugène et Vautrin

De «Eugène se trouva seul et face à face avec Vautrin.» à «- Quel homme êtes-vous donc? s'écria Eugène, vous avez été créé pour me tourmenter.»

 

En quoi le personnage de Vautrin est-il une figure diabolique ?

 

I) La supériorité de Vautrin

 

Ses phrases sont plus longues (deuxième tirade va de la  l.17 à la l.41), Vautrin se qualifie de supérieur par rapport aux hommes vertueux. C’est un personnage expérimenté. Il se sent supérieur par rapport  à Eugène “mon petit”. Il fait allusion aux échecs, un jeu ou il faut prévoir les mouvements des adversaires. “Un imperturbable sang froid”: Il est en position de force par rapport à Eugène qui est émotif. “un tremblement convulsif” : Eugène ne sait pas gérer la situation où il se trouve, il donne l’image d’un jeune comme hésitant et tourmenté. 

“Ne vous décidez pas dans ce moment, vous n'êtes pas dans votre assiette”: Vautrin se place en protecteur, “un bon père”. Vautrin évoque la difficulté d'Eugène et profite de sa position pour montrer sa supériorité.  “J’aime cette qualité de jeune gens”: Vautrin se permet de juger Eugène donc il se place au-dessus de lui et il le flatte mais c’est ironique. 

“Encore deux ou trois réflexions de haute politique et vous verrez le monde comme il est”: Vautrin prophétise sur la vie de Rastignac. 

“En y jouant quelques petites scènes de vertu, l’homme supérieur y satisfait toutes ses fantaisies aux grands applaudissements des niais du parterre”: Il fait une métaphore de la société par le théâtre. Vautrin déclare que même les hommes vertueux sont corrompus, il se permet de juger encore une fois la société et les hommes.  Vautrin donne à Eugène l’exemple d’un homme qui paraissait vertueux mais avait des pratiques illégales : “M. de Turenne faisait sans se croire compromis de petites affaires avec des brigands”. 

De plus, Vautrin détient une supériorité financière par rapport  à Eugène. Il lui pose une question rhétorique : “Vous me prenez donc pour un scélérat ?” Vautrin fait les questions et les réponses, il ne laisse pas Eugène parler : “Vous ne voulez pas être mon obligé, hein ?”  

“Enfin, je ne suis ni un pion ni un fou, mais une tour, mon petit.” : C’est une métaphore du jeu d’échecs, il se présente comme une tour, et on ne peut qu’affronter la tour en face. On ne peut ni la manipuler comme un pion ni la faire dévier comme un fou.

 

II) La figure du diable

 

“Seul et face à face avec Vautrin” : Rastignac se retrouve dans un duel avec Vautrin comme Jésus et Satan dans le désert. 

“Vous avez des dettes”: Vautrin connaît le point faible d'Eugène et s’en sert pour le soumettre à la tentation : “Peut-être vous faut-il un millier d'écus. Tenez, le voulez vous”. 

Vautrin est comparé à un diable  : “Ce démon” . Si Eugène veut l’argent proposé par Vautrin il lui devra obéissance : “Eugène était dans la plus cruelle des situations” : Eugène se trouve face à  un dilemme, il est comparé à Jésus dans le désert lorsqu’il est tenté par Satan : “qu’il fit papilloter”. 

“Monsieur, lui dit Eugène en cachant avec peine un tremblement convulsif, après ce que vous m'avez confié, vous devez comprendre qu'il m'est impossible de vous avoir des obligations.” : Eugène refuse d’établir un pacte avec le diable : “Vous ne voulez pas être mon obligé, hein?”

Le narrateur multiplie les allusions bibliques : “six mille francs au whist”: il est interdit de jouer aux jeux de hasard. 

“Vous m’auriez fait de la peine de parler autrement, reprit le tentateur” : Vautrin est qualifié de tentateur et il voudrait que son adversaire soit à sa hauteur. 

“j’ai de la délicatesse” : C’est un nouveau mensonge  de Vautrin puisqu'il est un assassin.

“Vous êtes beau jeune homme, délicat et fier comme un lion et doux comme une jeune fille”: Vautrin dit d'Eugène qu’il est à l’image de Jésus “le lion de Juda” et “doux comme une jeune fille” car Jésus est Amour et Eugène a encore cette pureté du coeur qu’il perdra à la mort du Père Goriot. Vautrin lorsqu’il dit “doux comme une jeune fille”, prend Eugène pour un faible, alors que l’Amour c’est la plus grande des forces, donc Vautrin sous-estime la puissance de son adversaire, comme Satan a sous-estimé Jésus dans le désert.

“Vous seriez une belle proie pour le diable” : Eugène est une proie pour Vautrin, le diable, qui veut le dévorer.

Vautrin se pense supérieur par rapport aux hommes vertueux, il est rempli d’orgueil, péché pour lequel Lucifer a été chassé du Paradis.

“Avant peu de jour vous serez à nous”: Rastignac fréquente les milieux sociaux où il est tenté de commettre des péchés (ce qui coupe l’homme de Dieu) et dans peu de temps il sera dans le camp des démons.

“AH! si vous vouliez devenir mon élève, je vous ferais arriver à tout” : Vautrin promet de donner tout le pouvoir sur le monde à Eugène comme Satan l’a fait pour Jésus : “Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire et lui dit : “Je te donnerai tout cela, si tu te prosternes pour m'adorer.” Jésus lui dit alors: “Retire-toi, Satan!” (Matthieu 4, 8-10)”.

“Vous ne formez pas un désir qu’il ne fût à l’instant comble, quoi que vous puissiez souhaiter: honneurs, fortune, femmes”: Vautrin lui laisse entendre qu’il a des pouvoirs surnaturels : “Tout ce qui vous ferait obstacle serait aplati”.

“On vous réduira toute la civilisation en ambroisie” : le diable détruira la civilisation  et donnera les restes aux dieux de l’Olympe, dieux païens associés à des démons.

“Nous nous exterminerons tous pour vous faire plaisir” : Vautrin promet à Eugène de le placer dans une position supérieure à  lui, celle d’un roi.

“Vous ne voulez pas être mon obligé, hein ?” : Vautrin lit dans les pensées d’Eugène.

“en laissant échapper un sourire” : C’est un sourire diabolique car Vautrin sait qu’Eugène sera à nouveau à sa merci même si à ce moment là il lui résiste.

“Vous trouverez en moi de ces immenses abîmes” : C’est une image de l’enfer, puits sans fond donc Vautrin a l’enfer à l’intérieur de lui, il peut absorber Eugène, le faire chuter.

Vautrin est à l'image de l’ennemi, du tentateur, destructeur, dévoreur, voleur qui sont les adjectifs par lesquels Satan est qualifié dans la Bible : “vous avez été créé pour me tourmenter”.  

Les filles indignes

De «- Mon Dieu, que t'ai-je fait ? Ma fille livrée à ce misérable, il exigera tout d'elle s'il le veut. Pardon, ma fille! cria le vieillard.» à «- J'assassinerai cet homme, dit le père Goriot tranquillement. Mais il n'a qu'une vie, et il m'en doit deux. Enfin, quoi ? reprit-il en regardant Anastasie.»

 

Comment cette scène de roman réaliste s’apparente-t-elle à une tragédie

 

I) Des filles indignes et manipulatrices (le réalisme)

“Les pères devraient penser pour nous”

“je suis perdue, mon pauvre père !”

“je saurai le manœuvrer. Il m'aime” - Delphine se sert de l’amour pour se servir des hommes ( son père et son mari).

“Tu vois en nous les deux seules personnes qui t'aimeront toujours assez pour te pardonner tout” : C’est le Père Goriot qui a toujours pardonné toutes les offenses de ses filles indignes. On voit ici toute l’ironie de Balzac.

“J'ai froid,  tu me tues…”- C’est une prolepse de la mort du Père Goriot.

“Pauvre Maxime”- Le seul personnage qui attire la pitié est le père Goriot qui donne sa vie en sacrifice et arrive encore à éprouver de la compassion pour des personnages bien moins malheureux que lui.

“Je suis devenue folle. Vous ne les aviez pas, j'avais tout dévoré....”- La fille demande à son père de rembourser les dettes de son amant ce qui est vraiment très osé.

“A ce mot lugubrement jeté, comme un son du râle d'un mourant, et qui accusait l'agonie du sentiment paternel réduit à l'impuissance, les deux sœurs firent une pause.”- On voit la manipulation des deux sœurs : leur père ne doit pas mourir prématurément car elles ont encore besoin de lui.

“ Quel égoïsme serait resté froid à ce cri de désespoir”- Cette phrase souligne l'égoïsme des deux sœurs.

“Pour sauver la vie de Maxime, enfin pour sauver tout mon bonheur”- Non seulement elle veut sauver son amant aux dépens de son père qui doit encore se sacrifier, mais elle lui dit ouvertement que c’est en Maxime que réside tout son bonheur donc que son père n’a pas de place dans son coeur !

“Il m'a demandé quelque chose de plus difficile à faire que de mourir”.- Delphine n’a aucune conscience de la gravité de ses propos infantiles, ni de la souffrance de son père qui est en train de mourir pour elle sans qu’elle ne s’en rende compte le moins du monde.

 

II) Un père martyr (le tragique)

“Donne tes yeux, que je les essuie en les baisant”.- Le Père Goriot se rabaisse encore envers Delphine.

“Mes anges, dit Goriot d'une voix faible, pourquoi votre union est-elle due au malheur ?”

“J'en mourrai, dit le père Goriot.”

“je n'aurais pas pu les faire, à moins d'aller les voler. Mais j'y aurais été, Nasie ! J'irai.”- L’amour paternel de Goriot est sans limites à l’image de l’amour du Christ.

“A ce mot lugubrement jeté, comme un son du râle d'un mourant, et qui accusait l'agonie du sentiment paternel réduit à l'impuissance, les deux soeurs firent une pause [...] Le père Goriot se tut, les mots expiraient dans sa gorge”.- Cette phrase est une prolepse de la mort du Père Goriot.

“cri de désespoir qui, semblable à une pierre lancée dans un gouffre, en révélait la profondeur ?” - Le cri du père agonisant n’est pas entendu, ce qui renforce le sentiment de solitude face à l’arrivée prochaine de sa mort.

“Pour sauver la vie de Maxime, enfin pour sauver tout mon bonheur”- Le père Goriot va se sacrifier pour que sa fille sauve son amant.

“tant que je serai vivant”- Goriot veut encore se battre pour ses filles alors qu’il est agonisant.

Analyse de l’agonie du Père Goriot

De «Si elles ne viennent pas ? répéta le vieillard en sanglotant.» à «J'expire, je souffre un peu trop ! Coupez- moi la tête, laissez- moi seulement le coeur.»

 

Comment, à travers le pathétique et le tragique, ce roman réaliste donne-il au personnage du Père Goriot une dimension christique ?

 

II) Le pathétique

 “Si elles ne viennent pas ?” :  Dans cette question rhétorique, le Père Goriot exprime son désespoir et sa peine.

 “En ce moment, je vois ma vie entière.” : Le père Goriot voit sa vie défiler devant ses yeux car il est sur le point de mourir.

 “Je suis dupe ! Elles ne m'aiment pas, elles ne m'ont jamais aimé ! Cela est clair.” : Le père Goriot, sur son lit de mort, essaye d’exprimer sa rage. On observe que le rythme de la phrase est haletant, comme s’il était à bout de souffle.

 “Si elles ne sont pas venues, elles ne viendront pas. Plus elles auront tardé, moins elles se décideront à me faire cette joie. Je les connais.” : Le personnage émet des hypothèses auxquelles il répond immédiatement par de courtes phrases. Le père Goriot, par la phrase “je les connais” exprime son quotidien, il montre qu’il a l’habitude d’être maltraité par ses filles et de souffrir.

 “Elles n'ont jamais su rien deviner de mes chagrins, de mes douleurs, de mes besoins, elles ne devineront pas plus ma mort ; elles ne sont seulement pas dans le secret de ma tendresse.” : Elles ne se sont jamais intéressées à lui, elles ne lui ont jamais montré d’amour, d’affection filiale. Il montre qu’il est malheureux et qu’il l’a toujours été même en se dévouant entièrement à elles.

 “Oui, je le vois, pour elles, l'habitude de m'ouvrir les entrailles a ôté du prix à tout ce que je faisais.” : Le père Goriot s’est tellement sacrifié pour ses filles, qu’elles ont fini par trouver ça normal.

 “Je suis trop bête.” : Le père Goriot regrette tous les sacrifices qu’il a faits car il se rend compte qu’il n’en reçoit aucune reconnaissance de la part de ses filles.

 “Criez donc comme moi : " Hé, Nasie ! Hé, Delphine ! Venez à votre père qui a été si bon pour vous et qui souffre ! " Rien, personne.” : Il a beau leur offrir tout son amour, il ne reçoit rien en retour, ni amour, ni présence. Il souligne la souffrance liée à cette absence filiale en s’appuyant sur des phrases exclamatives, courtes et concises.

 “Qu'est- ce que je dis ? Ne m'avez- vous pas averti que Delphine est là ? C'est la meilleure des deux.” : Le père Goriot hallucine. Il devient fou de douleur et de colère.

 

II) Le tragique

 “Mais je serai mort, mort dans un accès de rage, de rage !” : Le narrateur, utilise des répétitions pour appuyer le sentiment de colère que ressent le personnage.

 “La rage me gagne !” : Le père Goriot, tel un personnage tragique, lutte contre une force qui le dépasse.

 “Elles croient que tous les pères sont comme le leur.” : Elles sont passées à côté du bonheur : Elles ont été malheureuses avec leurs maris mais elles auraient pu être heureuses avec leur père.

 “Il faut toujours se faire valoir. Leurs enfants me vengeront.” : Les thèmes de vengeance et de la haine sont les moteurs de la tragédie.

 “Mais c'est dans leur intérêt de venir ici.” : Comme dans une tragédie où les personnages agissent soit par passion (Le Père Goriot) soit par intérêt politique (ses filles), le père Goriot suggère à Rastignac de dire à ses filles qu’elles auront quelque chose à gagner si elles viennent pour l’accompagner au moment de sa mort.

 “Elles commettent tous les crimes en un seul. Mais allez donc, dites- leur donc que, ne pas venir, c'est un parricide ! Elles en ont assez commis sans ajouter celui - là.” : Le père Goriot voit enfin ses filles telles qu’elles sont, des filles indignes, sans coeur et sans moralité.

 “Ce sont des infâmes, des scélérates ; je les abomine, je les maudis ; je me relèverai, la nuit, de mon cercueil pour les remaudire, car, enfin, mes amis, ai - je tort ? Elles se conduisent bien mal ! Hein ?” : Le père Goriot se déchaîne, il libère toute la souffrance qu’il avait dignement contenue pendant des années de sacrifice. Il appelle une malédiction sur ses filles, ce qui est un thème récurrent dans la tragédie.

 “Vous êtes mon fils, Eugène, vous ! Aimez- la, soyez un père pour elle.

 L'autre est bien malheureuse. Et leurs fortunes !” : On découvre que tous les personnages souffrent et qu’il n’est pas le seul.

 

III) Une figure christique

 “Elles auraient demandé à me crever les yeux, je leur aurais dit : " Crevez- les!"” : Le père Goriot s’est sacrifié volontairement par amour pour ses deux filles menant une vie de plaisirs et de luxe, à l’image du Christ qui a donné sa vie pour racheter les péchés des hommes.

 “Prévenez- les donc qu'elles compromettent leur agonie.” : Le père Goriot, même sur son lit de mort, essaye encore de sauver leurs âmes.

 “Mourrai- je donc comme un chien ? Voilà ma récompense, l'abandon.” : Il reprend les paroles du Christ sur la croix : “Mon père pourquoi m’as tu abandonné ?”

 “Ah, mon Dieu ! J'expire, je souffre un peu trop ! Coupez- moi la tête, laissez- moi seulement le coeur.” : Le père Goriot, finalement, pardonne à ses filles. Il reste dans l’amour jusqu’à sa mort.

L’enterrement du Père Goriot

 

De «Les deux prêtres, l'enfant de choeur et le bedeau vinrent et donnèrent tout ce qu'on peut avoir pour soixante-dix francs» à « Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen.»

Comment dans cet extrait de roman réaliste, Balzac fait-il une peinture critique de la société du XIXème siècle ?

 

I) La critique de la société

 “Les deux prêtres, l'enfant de choeur et le bedeau vinrent et donnèrent tout ce qu'on peut avoir pour soixante-dix francs dans une époque où la religion n'est pas assez riche pour prier gratis.” : Balzac critique ironiquement la société car les hommes de religion sont corrompus par l’argent, alors que la prière devrait être gratuite.

 “Les gens du clergé chantèrent un psaume, le Libera, le De profundis. Le service dura vingt minutes.”: Les hommes d’église fournissent le service minimum ce qui est contraire à la religion catholique qu’ils représentent. Le Père Goriot qui dans tout le roman se sacrifie à l’image du Christ n’est pas reconnu par les siens et il est abandonné par tous au moment de sa mort comme Jésus : “Il n'y avait qu'une seule voiture de deuil pour un prêtre et un enfant de choeur, qui consentirent à recevoir avec eux Eugène et Christophe.”

 “- Il n'y a point de suite, dit le prêtre, nous pourrons aller vite, afin de ne pas nous attarder, il est cinq heures et demie.” : Le prêtre montre que sans argent, ce mort n’est pas sa préoccupation principale et qu’il veut s’en débarrasser le plus vite possible.  

 “Cependant, au moment où le corps fut placé dans le corbillard, deux voitures armoriées, mais vides, celle du comte de Restaud et celle du baron de Nucingen, se présentèrent et suivirent le convoi jusqu'au Père-Lachaise.” : Les filles du Père Goriot sont tellement préoccupées par leurs loisirs qu’elles ne peuvent pas venir à l'enterrement de leur père. Les voiture représentent les filles, car elles sont “vides” comme les deux jeunes femmes et ce sont seulement les apparences qui comptent.

 “A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l'argent de l'étudiant.”: Les domestiques des filles du Père Goriot sont envoyés pour les représenter, comme si c'était une corvée mondaine.

 “Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher, ils se relevèrent, et l'un d'eux, s'adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire.” : Dans cette scène, on voit que presque tous les personnages qui appartiennent au “monde” sont obsédés par l’argent, et en demandent tous, excepté Eugène et Christophe.  

 

 II) L’évolution du personnage de Rastignac

 “la courte prière due au bonhomme pour l'argent de l'étudiant.”: Le personnage de Rastignac est tout le contraire des prêtres et des filles, car il sacrifie tout ce qu’il a pour l’enterrement du Père Goriot. Cela montre que le Père Goriot était devenu son père spirituel car il lui a appris à aimer sans rien attendre en retour, et à se sacrifier par amour à l’image du Christ.

 “Eugène fouilla dans sa poche et n'y trouva rien, il fut forcé d'emprunter vingt sous à Christophe. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d'horrible tristesse.” : Le fait d’être pauvre au point de devoir emprunter de l’argent à son ami aussi pauvre que lui pour payer un enterrement misérable à un homme jadis riche qui a tout donné à ses deux filles ingrates, plonge Rastignac dans une immense tristesse qui va se transformer en colère, sentiment puissant qui va devenir son moteur dans les prochains romans de “La Comédie humaine”.

 “Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d'un coeur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux.” : Le personnage de Rastignac a beaucoup souffert pendant l’enterrement du Père Goriot, non-seulement a-t-il perdu quelqu’un qu’il apprécie énormément, mais cet enterrement lui a ouvert les yeux sur la société bourgeoise où seul comptent l’argent et les apparences. Donc ceci a transformé le jeune homme naïf qu’il était en un homme avec un coeur endurci. Ce passage fonctionne donc comme un rite initiatique pour le personnage de Rastignac qui termine ici son “apprentissage”.

 “Il se croisa les bras, contempla les nuages, et, le voyant ainsi, Christophe le quitta.”: A partir de ce moment, le personnage d'Eugène n’est plus le même. Il croise les bras en signe de protection contre un milieu extérieur qui l’a blessé, mais il lève les yeux vers le ciel comme pour y lire son avenir. Quand Christophe le quitte, cela marque le moment à partir duquel Eugène mènera seul son combat contre la société.

 “Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières.”: Le personnage de Rastignac est toujours dans le cimetière, ce qui représente qu’il est toujours dans son monde d'étudiant, mais il arrive à voir son nouvel avenir qui s’allume sous ses yeux.

 “Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer.”: Rastignac regarde le monde avec passion et envie. On voit que c’est un homme changé car il “s’attache” à l’argent et il en veut plus. Mais il est conscient qu’il devra se battre pour entrer dans cet univers qui est clos sur lui-même. L’expression, “le beau monde” est ici ironique car on vient de voir que les deux filles sont tellement préoccupées avec leurs loisirs mondains qu’elles ne se donnent pas la peine de venir à l’enterrement de leur père (elles n’avaient pas n’ont plus daigné se rendre à son chevet lorsqu’il agonisait). Donc on voit que c’est l'opposé d'être un beau monde, mais plutôt un monde sans coeur, sans honneur.

 “Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses: "A nous deux maintenant!"”: On voit que le personnage de Rastignac a une haine contre les bourgeois et qu’il veut tous les assécher, pour venger le Père Goriot. Il lance un défi à cette société qui est ici personnifiée : il veut la vaincre.

 “Et pour premier acte du défi qu'il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen.” : Rastignac va chez Nucingen pour faire payer à Delphine tout le mal qu’elle a causée à son père, mais aussi le fait qu’elle voudrait aussi l’argent de son mari, qui est de l’argent sale, car c’est de l’argent pris aux pauvres. Ceci est aussi le début de la nouvelle vie de Rastignac, où il utilisera les femmes pour s'élever dans la société.  

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