Choderlos de Laclos, Des Femmes et de leur éducation, 1783 Analyse linéaire

Choderlos de Laclos, Des Femmes et de leur éducation, 1783 EXPLICATION DE TEXTE LINÉAIRE

Introduction

Pour vous préparer au bac de français et au parcours "écrire et combattre pour l'égalité", il est crucial d'étudier des œuvres qui abordent des thèmes relatifs à l'égalité. Parmi ces œuvres, on trouve le discours de Choderlos de Laclos, un écrivain emblématique des Lumières et officier d’artillerie pendant la Révolution française, intitulé "Des femmes et de leur éducation" (1783). 

 

Ce discours, prononcé un an après la publication de son célèbre roman épistolaire "Les Liaisons dangereuses" (1782), offre une vision critique et moderne de l'éducation des femmes et des raisons de leur asservissement. Laclos y dénonce l'esclavage des femmes, allant jusqu'à évoquer un appel à la révolution, ce qui illustre parfaitement la thématique du parcours "écrire et combattre pour l'égalité" pour votre bac de français.

 

Dans la première partie de son discours (de la ligne 1 à 10), Laclos interpelle directement les femmes et dépeint les malheurs associés à leur condition, faisant écho à des concepts clés de la philosophie des Lumières. Dans la seconde partie (de la ligne 10 à 31), il encourage activement les femmes à agir, à revendiquer leurs droits et à mettre fin à leur asservissement par la révolution. 

 

Dans le cadre de votre préparation au bac de français et du parcours "écrire et combattre pour l'égalité", l'étude de cette œuvre permet de comprendre comment l'écriture peut servir à combattre pour l'égalité.

1r mouvement : Le récit des malheurs de la condition féminine

Du début (« Ô femmes », l. 1) à « les vices se sont changés en mœurs » (l. 10)

Dans le cadre du bac de français, particulièrement pour le parcours "écrire et combattre pour l'égalité", l'analyse du discours de Choderlos de Laclos, "Des femmes et de leur éducation", offre des perspectives intéressantes. Dès la première phrase, Laclos interpelle les femmes par une apostrophe exclamative, s'ouvrant sur une interjection : « femmes ! ». S'en suivent deux verbes de mouvement à l'impératif (« Approchez et venez m’entendre »), créant l'image d'un discours solennel, adressé par un orateur à une assemblée de femmes. 

 

Il est intéressant de noter l'usage de la modalité injonctive dans la phrase suivante, grâce à la tournure « Que » + verbe au mode subjonctif. Laclos argue que les femmes ont perdu tous les avantages que la nature leur avait donnés, employant une double antithèse entre « donner » et « ravis » et entre « nature » et « société ». En cela, Laclos désigne la société comme coupable de l'asservissement des femmes, ayant dérobé leurs qualités naturelles.

 

Accusant les femmes d'être responsables de leur sort à travers une longue période oratoire, il utilise une anaphore du pronom « vous » et du verbe « faire ». Le ton est indigné, accusateur, et parfois même condescendant, comme le démontre le champ lexical de la moralité (« abject », « vice », « vertu », « avilissants »).

 

Laclos détaille ensuite les trois étapes de la dégradation de la situation des femmes. Il commence par dénoncer l'asservissement des femmes comme contraire à l'ordre naturel, en utilisant une antithèse entre le constat d'une amitié naturelle entre les sexes (« compagnes de l’homme ») et une analogie hyperbolique à l'esclavage (« vous êtes devenues son esclave »). 

 

Il accuse ensuite les femmes de résignation, soulignant un paradoxe tragique : les femmes consentent à leur soumission, au point que celle-ci devienne leur état naturel. Enfin, grâce à un lexique péjoratif et une antithèse entre vices et vertus, Laclos souligne la tragédie de cette aliénation intégrée par les femmes.

 

La première réaction des femmes face à leur aliénation, selon Laclos, pourrait être l'indifférence. Il envisage cette possibilité en utilisant le lexique « sang-froid », « sans émotion », puis les rejette avec dédain, les invitant à retourner à « leurs occupations futiles ». 

 

La phrase suivante est une citation du philosophe latin stoïcien Sénèque (Lettres à Lucilius), exprimant une vérité générale pleine de fatalisme : les femmes qui restent insensibles à leur condition vont la renforcer et la rendre définitive. La négation lexicale sans remède exprime une fatalité, tandis que le terme de « mœurs » (synonyme de coutume) montre que le temps a définitivement ancré les vices dans le cœur des femmes.

 

Cet extrait souligne l'importance de l'écriture comme outil pour combattre pour l'égalité, un thème clé du parcours "écrire et combattre pour l'égalité" du bac de français. Laclos utilise un langage fort et des techniques rhétoriques puissantes pour inciter à l'action et souligner la gravité de l'inégalité.

2e mouvement : L’appel à la révolution des femmes

De « Mais si aux récits de vos malheurs » (l. 10) à la fin (« il n’est aucun moyen de perfectionner l’éducation des femmes »).

Dans la suite de son discours, Laclos envisage une réaction des femmes différente de celle d'indifférence : la colère. Cette section débute par la conjonction de coordination « mais », introduisant une alternative à la première hypothèse qu'il avait énoncée précédemment. Laclos présente une série de propositions conditionnelles, d'injonctions impératives, et finalement, une question rhétorique. Il peint une image pénible de la condition des femmes, mais envisage une réaction forte, tant émotionnelle que physique et morale, avec des phrases comme « vous rougissez de honte et de colère », « larmes d’indignation », et « brûlez ».

 

Il tente d'inciter les femmes à l'action en les touchant au cœur et en leur promettant un avenir plus juste, utilisant un lexique mélioratif, comme dans l'expression « noble désir de ressaisir vos avantages ». Il propose que la colère puisse donner aux femmes la force et la volonté de réagir. Il suggère la fin de la soumission avec les impératifs négatifs « ne vous laissez plus » et « n’attendez plus ».

 

Il accuse ensuite les hommes d'être responsables de l'asservissement des femmes et de leur aveuglement. Il les dépeint comme étant incapables de mettre fin à la situation, comme en témoigne sa question rhétorique finale, utilisant à nouveau le verbe « rougir », mais cette fois-ci pour les hommes. Ceci suggère leur petitesse et leur faiblesse.

 

Dans la suite de son discours, Laclos mobilise les femmes collectivement, en leur demandant par l'impératif « apprenez » la solution à leurs problèmes. Il propose une solution radicale : une grande révolution, menée par les femmes elles-mêmes. Il pose ensuite des questions rhétoriques sur la faisabilité et la vraisemblance de cette révolution, afin de persuader les femmes qu'elles sont capables d'un tel acte.

 

Dans un retournement stratégique, il donne la parole aux femmes, affirmant que la question de la faisabilité de cette révolution relève de leur seule décision. Cette prétérition souligne le pouvoir des femmes, tout en conservant la parole pour lui-même.

 

Laclos conclut en rappelant la question initiale posée par l'académie de Châlons-Sur-Marne, « quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? ». Il annonce alors la thèse centrale de son discours : sans une éducation adéquate, les femmes ne peuvent mener à bien la révolution nécessaire pour rétablir leur dignité. Seule une grande révolution permettra aux femmes d'être éduquées et de se réapproprier leur existence. Cette analyse met en lumière la capacité de Laclos à utiliser le langage et la rhétorique pour sensibiliser à la question de l'égalité des sexes et inciter à l'action.

Conclusion

Dans ce discours remarquablement bien organisé, Choderlos de Laclos cherche non seulement à convaincre, mais aussi à persuader son public. Il interpelle directement les femmes, employant diverses tonalités, allant du registre didactique au polémique. Il reproche aux femmes d'être en partie responsables de leur état de soumission, tout en blâmant les hommes pour les maintenir dans une situation d'asservissement et d'aveuglement. Ainsi, Laclos suggère que les femmes peuvent réagir de deux façons différentes à leur situation : soit par la résignation, soit par la révolte. 

 

C'est clairement cette dernière réaction qu'il favorise. Il exhorte les femmes à se révolter en leur faisant prendre conscience de leur condition et en tentant de leur rendre la parole. Ce texte préfigure la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d'Olympe de Gouges, publiée deux ans après la Révolution française. Son postambule commence par un appel direct, véhément et passionné : "Femme, réveille-toi [...] femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ?" 

 

Tout comme Choderlos de Laclos, Olympe de Gouges déplore l'asservissement des femmes et leur aveuglement, avant de les encourager à revendiquer leurs droits. Tous deux cherchent à éveiller la conscience des femmes sur leur condition et à les pousser à agir pour leur émancipation. Ils dénoncent la passivité des femmes face à leur asservissement et plaident pour une révolution qui leur permettrait de retrouver leur dignité et leur liberté. Ils soulignent l'importance de l'éducation des femmes dans ce processus de libération et d'autonomisation. Ces deux textes sont des jalons importants dans l'histoire du féminisme et de la lutte pour l'égalité des sexes.

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