Analyse de « Mors » de Victor Hugo dans Les Contemplations

Analyse de « Mors » de Victor Hugo dans Les Contemplations

I) Le pathétique

La souffrance des parents endeuillés introduit le registre pathétique : “Et les femmes criaient : - “Rends-nous ce petit être. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ? -” C'est un poème lyrique puisque ces vers rappellent la douleur du poète qui a perdu sa fille Léopoldine à l'âge de 19 ans. Cela montre aussi l’impuissance de l’homme face à la mort quand la femme réclame qu’on lui rende don enfant, “ce petit être”, expression qui renforce le pathétique lié à la fragilité de l’enfant. Tous les hommes, quel que soit leur rang social, ressentent de la douleur face à la perte d’un enfant : “Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas“. De plus, le champ lexical de la froideur de la mort ajoute à l’angoisse dans le vers : “Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre”. Victor Hugo construit une ambiance terrifiante : “Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ; Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit”.

 

II) Les images poétiques tragiques

Tout ce poème est construit sur un jeu de regards : “ Je vis”, “L'homme suivait des yeux”. Au début du poème, la une césure à l’hémistiche accentue le mot placé à gauche de la césure : “Je vis cette faucheuse.” Ceci nous indique le thème principal du poème  qui est la mort, personnifiée en faucheuse, image traditionnelle. “Elle était dans son champ” marque le début de la métaphore filée de la moisson qui se terminera dans le dernier vers : “Un ange souriant portait la gerbe d'âme.” De plus le vers suivant  : “Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,” montre la vitesse prodigieuse avec laquelle la mort avance. La continuation du champ lexical du regard évoque la méfiance de l’homme envers la mort : “L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.” Le vers : “Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats” fait penser à des morts-vivants. 

Dans ce poème nous pouvons remarquer un champ lexical de la noirceur qui évoque la douleur des êtres humains et que Victor Hugo associe ici à la peur : “Noir squelette laissant passer le crépuscule. Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule”, “noirs grabats”, “sombre”...

Les soldats qui étaient autrefois triomphants sont maintenant enterrés malgré leur gloire qui ne les protège pas de la mort : “Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient”. C’est une critique de la guerre de Crimée menée par Napoléon III. Ensuite ce sont les hommes politiques qui succombent, ce qui est mis en valeur par le chiasme pour montrer que nul n’est à l’abri de la mort : “Le trône en échafaud et l'échafaud en trône”. Ce chiasme souligne que rien est définitif dans la vie et que les choses peuvent changer à n’importe quel moment. La seule chose qui restera toujours c’est la mort. Ceci est renforcé par le fait que même les enfants peuvent mourir à tout moment ”Les roses en fumier, les enfants en oiseaux”. La première partie du vers montre que tout ce qui était beau va pourrir, ce qui insiste sur la finalité de toute chose vivante ; dans la deuxième partie du vers la métaphore des oiseaux montre que Victor Hugo n’avait pas le courage de désigner le cadavre d’un enfant d’une façon horrible car l’enfant reste toujours pur pour le poète.

Le poème se termine sur l’image positive de l’ange qui vient prendre soin de l'âme des défunts : «Derrière elle, le front baigné de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'âmes.»

 

III) La musicalité du poème 

C'est un poème très musical ; les chuintantes et les sifflantes imitent le son de la faulx grâce aux allitérations en [ch] et [s] :”Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ. 

Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,” ”Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre”.

Les allitérations en [r] qui évoquent la douleur : “Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule”.

Ce poème est composé de rimes plates ou suivies qui symbolisent la progression inéluctable de la mort. De plus, l’alternance entre les rimes féminines et masculines renforce l’alternance entre le pathétique et le tragique.

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