Analyse de « Sans rancune » de Paul Eluard 

Analyse de « Sans rancune » de Paul Eluard

I) LES VISAGES DE LA DOULEUR

“Sans rancune” est dominé par l’expression de la douleur. En effet, le poète emploie son champ lexical “Larmes”, “ malheurs des malheureux”, “triste”, “pourrissent”, “infortune”. Ainsi, à travers ses mots, il exprime toute la douleur que ressent le peuple face à l'oppression de la classe bourgeoise.

Éluard fait discrètement allusion à ses problèmes sentimentaux. La dernière strophe témoigne de son chagrin amoureux.  “Toute l’infortune du monde / Et mon amour dessus / Comme une bête nue”, cette comparaison finale montre le poète en position de faiblesse. “une bête nue” ce pléonasme fait allusion à une bête sans défense et le poète la compare à son amour. Il peint son amour de façon péjorative, c’est une souffrance, qui vient s'ajouter aux autres problèmes de sa société “dessus”.

En effet, ce poème est surtout consacré aux souffrances subies par le peuple dans une société dominée par la bourgeoisie. Le premier vers indique la portée générale du poème “des malheureux”. La répétition des mots “malheur” et “larmes” montre que la douleur du peuple persiste et ne cesse de se répéter. Les deux négations du 3e vers “Il ne demande rien, il n’est pas insensible” soulignent leur impuissance face aux bourgeois, aux “forts”. S’en suivent alors les deux affirmations au 4e vers “Il est triste en prison et triste s’il est libre”, qui démontrent le caractère immuable de la tristesse.  Les deux premiers vers de la deuxième strophe témoignent de l’aspect injuste de la situation : “Il fait un triste temps, il fait une nuit noire / À ne pas mettre un aveugle dehors”. En effet, ils ont pour but de dénoncer l'oppression des hommes de pouvoir, qui ne se soucient pas du peuple.

 

II) LE PORTRAIT ACCABLANT D’UN PEUPLE ACCABLÉ 

Lors du 3e vers de la 2eme strophe Éluard souligne l'oppression des puissants et les qualifie de “faibles” puisqu’ils n’ont pas dû passer par ce que le peuple a vécu, et ne connaissent donc pas les vraies difficultés de la vie et paradoxalement ce sont eux qui gouvernent: “Les forts / Sont assis, les faibles tiennent le pouvoir”. 

Dans ce poème, les hommes semblent soumis à une fatalité de la souffrance. Les nombreuses répétitions démontrent ceci, puisqu’elles font preuve d’un acharnement qui revient sans cesse: “Larmes” (2), “malheurs” (2), “triste” (3). Ceci donne un effet d’enfermement dans une spirale de souffrance. Le pléonasme “malheurs des malheureux” est minimisé par le vers suivant “Malheurs sans intérêt”, on interprète donc que le malheur est tellement puissant qu’il entraîne de l'indifférence. L’allitération en [s] suggère la souffrance “Il ne demande rien, il n’est pas insensible, Il est triste en prison et triste s’il est libre”.

Loin de lutter contre l'oppression, le peuple que décrit Éluard s'y résigne. Lors de la 3e strophe, le poète dénonce l’hypocrisie des hommes de pouvoir qui se limitent à faire bonne figure avec de simple “sourires et soupirs”. La violence des termes "Pourrissent / Dans la bouche des muets et dans les yeux des lâches” soulignent l’étalement de leurs injures et leur indifférence face à la souffrance du peuple. Le poète, ensuite, se dirige vers un destinataire en s’adressant à la 2e personne du pluriel : “Ne prenez rien : ceci brûle, cela flambe ! /Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts”. Ainsi, il se dirige vers les oppresseurs, il leur donne un conseil : "Ne prenez rien!”. Le poète dénonce que leur “mains” n’est pas un instrument de travail mais plutôt un instrument pour récolter de l’argent : “vos poches” ainsi qu’un instrument pour faire le signe de la croix et améliorer leur condition : “vos fronts”. Le poète veut faire réagir ses destinataires et réveiller leur colère.

 

III) LES FONCTIONS DU POÈTE

Dans "Sans rancune”, le poète semble à la fois proche et séparé du reste de l’humanité. En effet, il emploie des procédés qui concourent, tout au long du poème, à isoler le poète du commun des mortels : d’une part les 3 premières strophes tentent plutôt à dénoncer les hommes de pouvoir et à décrire la souffrance du peuple, d’autre part la 4e et dernière strophe met l’accent sur son propre amour. Cette dernière strophe, contrairement aux autres, est à la première personne du pluriel : “mon amour”.  Quoique différent de ses contemporains, le poète “n’est pas insensible” pour autant à la douleur. La tristesse et la douleur de tous les hommes est prise en compte. Le poète a une volonté d’exprimer ces “malheurs” et cette “infortune”. 

Le poète selon Éluard ne se contente pas de manier des mots : il doit mener les autres hommes à l’action. C’est exactement ce qu’il fait lors des vers 11 et 12 qui peuvent être lus comme une incitation à la révolte. Ainsi, lors du 11e vers, il lance un appel à la révolte. En prenant exemple sur les dirigeants, il fait un discours qui rabaisse le peuple et met en avant l'idée qu’ils ne peuvent pas posséder ce que les hommes de pouvoir possèdent car “ceci brûle, cela flambe !”, fait alors un constat qui n’est pas des moindre puisqu’il dénonce la tendance des dirigeants : celle de ne penser qu’à soi, à améliorer leur condition (économiquement ou religieusement) : “Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts”. 

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