Analyse de L'île des esclaves de Marivaux, Scène 6

Analyse de L'île des esclaves de Marivaux, Scène 6

Dans la scène VI de "L'Île des Esclaves" de Marivaux, nous assistons à une scène où Arlequin et Cléanthis, anciens esclaves, se livrent à une parodie de scène d'amour, sous les yeux de leurs maîtres, Iphicrate et Euphrosine. Cette scène, tout en étant comique, porte en elle une dimension politique et morale significative.

 

**I. Le théâtre dans le théâtre**

 

1. **Le jeu mis en abîme**

 

La scène s'ouvre sur une redéfinition de l'espace scénique, où les valets prennent le rôle des acteurs et les maîtres celui des spectateurs. Les didascalies initiales ("Qu'on se retire à dix pas") créent un deuxième territoire sur la scène, celui des valets devenus acteurs. Ce parallélisme et ce jeu d'opposition entre les deux groupes mettent en lumière la dynamique de pouvoir inversée.

 

2. **Les spectateurs**

 

Les maîtres, devenus spectateurs, encadrent la scène par leur présence et leurs réactions. Cette inversion des rôles, où les maîtres doivent obéir et se soumettre ("qu'on se retire", "gestes d'étonnement"), souligne leur soumission et leur étonnement face à cette inversion. Arlequin, en particulier, utilise cette scène pour ridiculiser les maîtres, en passant en revue leurs faiblesses sans indulgence.

 

**II. Imitation et décalage**

 

1. **Un thème traditionnel : la déclaration d'amour**

 

La scène emprunte son lexique et ses figures de style aux scènes d'amour traditionnelles, avec une prédominance des sentiments. Cependant, la parodie du marivaudage est évidente, transformant la galanterie en une caricature.

 

2. **Une scène caricaturale**

 

La gestuelle exagérée d'Arlequin ("il saute de joie") et le langage de Cléanthis, qui rompt avec l'univers noble, créent un décalage humoristique. Arlequin, en particulier, suit toute la progression d'une cour galante, mais de manière caricaturale.

 

3. **La tonalité comique**

 

La distance entre la réalité de la scène d'amour et sa représentation par Arlequin et Cléanthis crée une tonalité comique. Cependant, cette scène n'est pas qu'un simple divertissement.

 

**III. Le théâtre éducatif : fonction didactique**

 

1. **Une leçon pour les maîtres**

 

La scène sert de leçon aux maîtres, mettant en lumière la brutalité de leur comportement et le caractère superficiel de leur langage amoureux.

 

2. **Un autre niveau de critique**

 

La scène critique également les valets, notamment Arlequin, qui semble incapable de prendre de la distance par rapport à son jeu, se rendant lui-même coupable d'une certaine brutalité et d'un plaisir suspect dans son rôle de maître.

 

**Conclusion**

 

Cette scène illustre parfaitement le théâtre de Marivaux et la pensée du XVIIIe siècle. Elle utilise le jeu du travestissement et la scène d'amour comme prétexte pour explorer des thèmes socio-politiques plus profonds, tels que l'inversion des rôles sociaux et la critique des comportements des maîtres et des valets.

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