Analyse du poème "Notre vie" de Paul Eluard

Analyse du poème "Notre vie" de Paul Eluard

Introduction

Le poème "Notre vie" d'Eluard, écrit dans le contexte tragique de la mort de sa compagne Nusch, marque un tournant dans son œuvre. Ce drame personnel, survenant après 17 années de vie commune, imprègne profondément ce texte, où Eluard explore les thèmes de la rupture, de la mort, et du souvenir d'un passé révolu.

I. La rupture

La rupture est une thématique centrale dans "Notre vie". Dès le premier vers, le poète évoque une séparation définitive, révélée par les mots "nous ne vieillirons pas ensemble", insinuant une fin abrupte et prématurée. La dernière strophe, marquée par le remplacement des pronoms "tu" et "nous" par un solitaire "je", souligne l'isolement de l'auteur et la cessation du dialogue. Cette mutation pronominale est révélatrice de la transition d'une existence partagée à une solitude imposée.

La syntaxe se fragmente et devient plus abrupte dans les derniers vers, reflétant la détresse et la douleur de l'auteur. Alors que le titre "Notre vie" suggère une célébration de la vie commune, le poème s'oriente plutôt vers une contemplation de la mort et de la perte, dépeignant un contraste saisissant entre l'attente d'un bonheur partagé et la réalité cruelle de la disparition de l'être aimé.

II. La présence de la mort

La mort est omniprésente dans ce poème, se manifestant sous diverses formes. Elle se dévoile à travers un jeu d'oppositions : légèreté contre poids, amour contre supplice, vie contre mort. Le premier vers lui-même est scindé entre une vie accomplie et une vie détruite, établissant une dichotomie entre un passé lumineux et un présent assombri par la perte.

Plusieurs images de la mort sont convoquées : la mort physique de Nusch (évoquée par le "masque de neige"), la mort spirituelle du poète ("la mort entre en moi comme dans un moulin"), et la personnification de la mort au vers 10. La figure du vampire au vers 11 symbolise un affaiblissement physique, tandis que le vers 15 illustre une incapacité à évoquer le passé, signe d'une profonde souffrance psychologique. La progression inéluctable de la mort est soulignée par un rythme ternaire, et le vers 15 lie indissolublement la mort de Nusch à la mort d'un passé révolu.

Conclusion

"Notre vie" d'Eluard s'oppose à "Gabriel Péri", également de sa plume, où la vie prévaut sur la mort. En revanche, il trouve un écho dans "Pierrot" de Verlaine, qui juxtapose un passé heureux à un présent malheureux. Toutefois, la différence majeure réside dans l'implication personnelle et profonde d'Eluard dans "Notre vie", où il ne se contente pas de décrire la perte, mais la vit et la ressent de manière viscérale.

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0