Lecture linéaire du portrait d'Arrias dans Les Caractères de La Bruyère

Lecture linéaire du portrait d'Arrias dans Les Caractères de La Bruyère

Jean de La Bruyère, moraliste du XVIIe siècle, nous livre dans son œuvre "Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle" une critique acérée de la société de son temps à travers une série de portraits satiriques. Le passage consacré à Arrias, issu de la 9e réflexion du 5e livre, incarne le pédantisme avec brio, nous offrant un aperçu de la fausseté et de l'égocentrisme prévalant dans les salons de l'époque.

 

### L’introduction d’un type, d’un caractère (l.1-3)

 

Dès les premières lignes, La Bruyère plante le décor en introduisant Arrias, personnage emblématique du pédant, par un jeu de mots révélateur : « Arrias a tout lu, tout vu ». Cette répétition hyperbolique souligne d'emblée l'exagération caractéristique du personnage, qui se prétend « homme universel », frôlant la confusion avec une entité divine. L'oxymore entre se présenter comme un sage tout en préférant le mensonge à la vérité dessine un portrait satirique du pédant, dont l'égo surdimensionné le pousse à s'ériger en modèle de savoir. Ce début met en lumière la prédominance du paraître sur l'être, thème cher à La Bruyère, à travers le champ lexical du mensonge qui dépeint Arrias comme un être superficiel et trompeur.

 

### L’entrée en scène d’Arias (l.3-13)

 

L'entrée en scène d'Arrias lors d'un dîner illustre parfaitement son besoin de se mettre en avant, au détriment des autres convives, réduits à de simples figurants par l'usage de pronoms indéfinis tels que « L'on », « un », « une ». La référence à la « table d'un Grand » et à la « cour du Nord » place Arrias dans un contexte de conversation mondaine, où son égocentrisme et son manque de respect pour les règles de bienséance éclatent au grand jour. La répétition du pronom personnel « il » et du champ lexical du théâtre accentuent l'image d'Arrias en tant que personnage principal de sa propre mise en scène, où il joue tous les rôles : celui qui monopolise la parole, celui qui s'amuse de ses propres anecdotes et, finalement, celui qui se croit plus instruit et pertinent que les autres. La Bruyère, à travers cette description, met en exergue l'incompatibilité d'Arrias avec l'idéal de l'honnête homme, valorisant l'écoute et l'échange authentique.

 

### Le coup de théâtre final (l.13-15)

 

Le dénouement de ce portrait intervient avec un coup de théâtre saisissant, lorsque Sethon lui-même, sujet des fanfaronnades d'Arrias, intervient directement, dévoilant l'imposture. La Bruyère utilise la rupture narrative, passant de l'imparfait au passé simple, pour marquer ce retournement spectaculaire. L'ironie de la situation, où Arrias est pris à son propre jeu par la personne même qu'il prétendait connaître intimement, sert de point culminant à cette satire. Cette chute, où le mensonge d'Arrias est publiquement démasqué, scelle le portrait du pédant, ridiculisé et désarmé par sa propre vanité.

 

En conclusion, à travers le portrait d'Arrias, La Bruyère dépeint avec acuité et ironie les travers d'une société où le paraître l'emporte sur l'être, où la fausseté et l'égocentrisme sont monnaie courante. Ce texte, tout en s'inscrivant dans la tradition moraliste, demeure d'une brûlante actualité, nous invitant à réfléchir sur les valeurs d'authenticité et d'intégrité.

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